Chalut les humains,
Savez-vous que les paysages naturels somptueux que vous aimez contempler sont le théâtre de guerres dévastatrices? Avez-vous conscience qu’à vos pieds se jouent des conflits épiques?
Prenez ce petit coin isolé sur les cimes du massif du Mercantour. Apparemment, il a l’air parfaitement paisible. Mais si vous y regardez de plus près, autour de cette fourmilière, la bataille fait rage entre les fourmis noires, propriétaires des lieux, et la cohorte de fourmis rouges qui les assiège.
L’objet du conflit? Une boîte à sucre. Une banale boîte en fer rectangulaire oubliée par ses propriétaires à l’occasion d’un pique-nique en montagne, objet totalement anecdotique pour le commun des mortels, mais qui, pour ces fourmis, constitue un formidable trésor, apte à nourrir toute la colonie pendant des mois. Pour l’amener jusqu’à la fourmilière, les fourmis ouvrières ont dû faire de nombreux efforts, escalader les rochers, braver les eaux tumultueuses du torrent, batailler pour préserver l’essentiel de la marchandise. Et voilà que les fourmis rouges, hargneuses et belliqueuses, veulent leur dérober leur bien…
Evidemment, les fourmis noires n’ont pas l’intention de se laisser envahir aussi facilement. Elles s’organisent pour résister à leurs agresseurs. Mais face aux assauts de cette armée rouge impressionnante, qui les bombarde de cailloux et de piques en bois, on ne donne pas cher de leur chitine.
Seulement voilà, les fourmis noires ont trouvé une alliée inattendue dans la boîte métallique : une minuscule coccinelle. Cette dernière, éprouvant quelques difficultés dans son apprentissage du vol, s’est retrouvée séparée des siens et a trouvé refuge dans la boîte à sucre, un soir d’orage. Elle s’est finalement liée d’amitié avec le leader des fourmis ouvrières et a décidé de suivre la joyeuse compagnie jusqu’à la fourmilière. Et, au coeur de la bataille, son aptitude à voler va s’avérer décisive pour la résolution du conflit. Car seule la coccinelle peut aller récupérer la pièce manquante à l’arme de destruction massive des fourmis noires – un lot de fusées pour feu d’artifices – et écarter ainsi la menace des fourmis rouges.
Cette aventure, mise en images par Thomas Szabo et Hélène Giraud, s’avère passionnante de bout en bout, portée par un souffle épique digne des superproductions hollywoodiennes. Le siège de la fourmilière ressemble ainsi aux batailles dantesques du Seigneur des anneaux. La course poursuite entre la coccinelle et un escadron de mouches évoque les joutes spatiales de Star Wars. Et l’irruption d’un lézard en quête de nourriture, mise à l’échelle des fourmis, fait irrésistiblement penser à l’attaque du T-Rex dans Jurassic Park.
Le film fourmille de références, évidentes ou non, à des oeuvres marquantes du 7ème art. Et la construction du film elle-même constitue un double hommage au cinéma. Au slapstick, pour son côté burlesque et muet, et au cartoon, pour le rythme des gags et le look attachant des personnages.
Tout, dans Minuscule, la vallée des fourmis perdues témoigne de l’envie de réaliser un vrai film de cinéma, spectaculaire, drôle et émouvant.
Sans doute parce qu’à l’origine de ce projet, il y a une série d’animation en format court, réalisée pour la télévision. Les auteurs n’ont pas voulu se contenter d’une simple transposition du petit au grand écran. Ils ont conçu ce long-métrage comme une entité totalement indépendante, bénéficiant d’un scénario bien charpenté, d’effets visuels soignés et de la profondeur de champ offerte par le relief 3D. Ils n’ont pas cédé à la tentation de montrer un maximum de “petites bêtes” à l’écran et se sont concentrés sur les personnages principaux – la coccinelle et les fourmis. Belle idée, car le résultat est à la hauteur des attentes.
Thomas Szabo et Hélène Giraud ont su conserver tout ce qui faisait le charme de la série télévisée, ces personnages aux yeux ronds, expressifs au possible, cette animation réaliste se refusant à un anthropomorphisme trop facile, ce choix de mêler prises de vue réelles et images de synthèse, ou encore cette bande-son reposant sur des bruitages amusants. Mais ils ont aussi su donner une ampleur toute nouvelle à leur univers.
Drôle, vif, enlevé, Minuscule est un plaisir de chaque instant, qui propose une alternative efficace aux productions Diney, Pixar et autres Studios Dreamworks. Le budget des studios français Futurikon est probablement moins élevé que ceux des studios précités, mais ils compensent allègrement par leur inventivité et leur raffinement dans la simplicité.
Le seul reproche qu’on pourrait leur adresser est d’avoir piqué tous les jeux de mots possibles pour la campagne promotionnelle du film. Si on ne peut plus dire que le film est “fourmidable”, qu’il est “géant”, qu’il “chasse le bourdon” et qu’il vaut bien six étoiles “d’araignée”, que nous reste-t-il, alors, hein? C’est malin, ça! Bon, on ne va pas chercher la petite bête. Juste dire que pour nous, Minuscule est une oeuvre majuscule. Et toc!
Bon, il faut que je vous laisse, je vais aller jouer à King Kong et essayer d’estourbir ces mouches qui volent autour l’Empire State Frigo. Ah, les saletés, elles volent haut! Si ma copine la Coccinelle voulait bien me donner un coup de main, ce serait parfait.
Plein de ronrons,
Scaramouche
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Minuscule : La Vallée des fourmis perdues
Minuscule : La Vallée des fourmis perdues
Réalisateurs : Thomas Szabo, Hélène Giraud
Avec : –
Origine : France
Genre : aventures fourmidables
Durée : 1h25
Date de sortie France : 29/01/2014
Note pour ce film :●●●●●●
Contrepoint critique : Libération
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