Là, Camille Loty Malebranche poursuit son analyse-dénonciation de l'Etat.
« Aussi longtemps, dit-il, que les peuples n'atteindront le stade de se créer leurs propres institutions, l'État restera oligarchique voire ploutocratique, garantissant la plus scandaleuse dictature de quelques-uns sur le grand nombre. L’État de droit est le pire ennemi de la justice sociale car le droit bourgeois, tel qu'il est, réifie l'individu fait rouage du système dont profitent seulement quelques magnats. D'où la plus grande peur de l'État tel qu'il est, est l'avènement du vrai citoyen conscient de ses droits et pouvoirs par la mise en commun avec des pairs, des voies et moyens d'autodétermination ».
Le vrai citoyen ? Il peut donc y avoir de vrais citoyens ?
Et comment donc ? Allons voir !
Michel Peyret
L'État est expropriation du pouvoir des peuples et dénaturation de la politique.
30Janvier 2014
Par Camille Loty Malebranche
L'État, c'est la prévention du chaos d'en bas et l'imposition de l'ordre du chaos planifié des privilégiés, dont l'État est une sorte de kunée rendant anonymes voire invisibles les privilèges. Cela dit, que l'on ne s'y méprenne point, le stade actuel des mentalités, nécessite hélas une autorité et une chefferie capable de l'assumer.
Toutefois, l'État - cette "malencontre de l'histoire" comme le nomme Pierre Clastres - parce qu'il n'est pas constitué d'une chefferie au service de l'équité collective, mais d'un système anonyme dont les structures servent à déposséder les membres de la société de tout pouvoir au profit des utilisateurs privilégiés desdites structures, est l'ennemi de toute vraie démocratie. L’État, tel qu'il est, tient sa justification de l'impossibilité des peuples à pouvoir se gérer eux-mêmes collectivement par délégation directe.
Sauf un État socialiste véritable, délibérément provisoire, qui préparerait son propre retrait progressif en rendant les individus plus humains et plus citoyens par une éducation que j'appellerai humano-citoyenne c'est-à-dire soutenant la formation d'une mentalité nouvelle indépendante de tout parti et encadrant le peuple dans la création d'institutions au contrôle des comités populaires, pourrait être pour le salut collectif...
Aussi longtemps que les peuples n'atteindront le stade de se créer leurs propres institutions, l'État restera oligarchique voire ploutocratique, garantissant la plus scandaleuse dictature de quelques-uns sur le grand nombre. L’État de droit est le pire ennemi de la justice sociale car le droit bourgeois, tel qu'il est, réifie l'individu fait rouage du système dont profitent seulement quelques magnats. D'où la plus grande peur de l'État tel qu'il est, est l'avènement du vrai citoyen conscient de ses droits et pouvoirs par la mise en commun avec des pairs, des voies et moyens d'autodétermination.
Dans l'État actuel, le peuple qui vote, sélectionne la plupart du temps les présélectionnés des oligarques; il procède par délégation seconde et son vote est déperdition... Cette déperdition du pouvoir populaire par les élections, est d'ailleurs le but précis de la thèse du vote utile.
Par ailleurs, c'est aussi en vue de séquestrer le pouvoir de compréhension et d'action des peuples que "les élites" font tout pour entretenir l'incommunication par le travail éreintant, les loisirs médiatisés générant des passions débiles, le sexualisme exponentiel, voire les mégapoles qui atomisent les communautés, dispersent les énergies, emmurent les individus...
L'État actuel est dénaturation paroxystique de la politique qu'il dévie de sa vocation de service au peuple censé souverain qu'il asservit. Signe du déficit de conscience et de maturité des sociétés humaines après tous les millénaires de l’Histoire et la somme des idées et théories critiques de la société. État, forme captieuse et spécieuse de l'autorité du peuple dans la démocratie trafiquée, expropriée par les prédateurs des peuples!
Il est toutefois, un fait qu'il ne faut jamais oublier dans la réalité étatico-sociale, c'est que nul ne peut instiller une idéologie à un peuple, qui ne soit déjà d'une certaine manière préinscrite en sa majorité, ne serait-ce que par la sensibilité. Une idéologie sans latence chez une majorité dans une société donnée, qui en attendait consciemment ou inconsciemment l'occasion, ne serait-ce que par les lignes essentielles de ladite idéologie, ne peut germer. On ne fait pas pousser de l’idéologie du vide, on n'idéologise pas hors du terreau prédisposé et déjà fertilisé de la conscience collective.
CAMILLE LOTY MALEBRANCHE