Opéra Cosi fan tutte de Mozart, mise en scène de Patrice Chéreau
Ce qui sort de leur bouche n’est pas humain. Au-delà de l’homme, au-delà des possibles. Comme une âme qui surgit et prend sa liberté, laisse le corps, part flotter sur les cimes de la grâce en une brume agile. Les yeux peuvent se clore, et les oreilles voir. Ce ne sont plus des voix, ce sont plus que des mots. Les sens sont en émoi, la peau devient éponge, et la chose en question – comment la nommer, comment la désigner autrement par un mot qui désignerait tout ? – nous entraine avec elle sur les flots d’une histoire où l’amour se veut fou, où la joie et la peine s’adonnent à des étreintes qu’on penserait charnelles.
Les mots ne sont pas tous compris, ils sont autre chose, ils prennent la main des sensations et le cortège tourne, le cortège enivre et, pendant quelques minutes, quelques heures, mais le temps, lui aussi, se fait trop relatif, on croit nager au beau milieu du vide et de l’éternité ; on délaisse le monde pour se mettre en suspens. Le monde n’existe pas. L’extérieur se dissout en un obscur lointain. Ne restent que la joie et la peine. Ne reste que notre corps soumis au sortilège de ces voix qui se prennent pour des cadeaux des cieux. Cela aurait un nom. Ce serait l’opéra. Mais les noms, tu le sais, ne sont que des fantômes qui se posent sur les choses.
Notice biographique
Clémence Tombereau est née à Nîmes et vit actuellement à Milan. Elle a publié deux recueils, Fragments et Poèmes, Mignardises et Aphorismes aux éditions numériques québécoises Le chat qui louche, ainsi que plusieurs textes dans la revue littéraire Rouge Déclic (numéro 2 et numéro 4) et un essai (Esthétique du rire et utopie amoureuse dans Mademoiselle de Maupin de Théophile Gautier) aux Éditions Universitaires Européennes. Récemment, elle a publié Débandade (roman) aux Éditions Philippe Rey.