En début de semaine, on s'interroge sur la France. Qu'est-elle devenue pour que quelques centaines de parents obéissent aux consignes d'une figure de l'extrême droite néo-fascisante et retirent leurs enfants de l'école au motif fallacieux qu'on y enseignerait la théorie du genre ? Qu'est-elle devenue pour qu'on supporte des "Juif casse-toi!" braillés dans les rues par des néo-nazis cagoulés lors d'un "Jour de Colère" pluvieux à paris ? Qu'est-elle devenue pour qu'on subisse cette manifestation hétéroclite de criards haineux et violents ? Qu'est-elle devenue pour que des responsables de l'UMP (Patrick Ollier, Jean-François Copé) osent affirmer qu'ils comprenaient l'inquiétude de ces parents ?
La France est en vrac.
Hollande file en Turquie, un Etat maltraité par l'ancienne Sarkofrance. La Turquie avait commis l'erreur et l'affront de vouloir adhérer à l'Union européenne. Pour Sarkozy, la Turquie était un épouvantail facile, un terrain propice pour y brailler sa défense de la Fraaaaance. Quelques années plus tard, Hollande raccommode quelques morceaux. En métropole, on ne retient que sa petite phrase sur le chômage: "Nous n'avons pas réussi dans l'année 2013 à faire diminuer le chômage".
Un président qui reconnait l'échec, c'est un changement. "Le déni ne fonctionne pas" explique-t-il. Mais cela reste un échec. L'inversion de la courbe du chômage n'a pas eu lieu l'an dernier, les derniers chiffres - ceux de décembre - ont été publiés. Ils ne seront pas oubliés.
Hollande a aussi du mal avec sa gauche. Le divorce est consommé.
En milieu de semaine, tétanie à gauche. Un journaliste croit savoir que Peter Hartz, l'ancien DRH de Volkswagen finalement condamné à 2 ans de prison en 2007, qui est surtout l'auteur de lois homonymes sur la dérégulation du marché du travail en Allemagne entre 2003 et 2005, a été embauché pour conseiller François Hollande. Pure intox, l'Elysée dément. En une grosse décennie, l'Allemagne a transformé ses chômeurs en travailleurs pauvres... Quel succès ! En France aussi, on recense près de 3 millions de travailleurs précaires, dont ces 2,5 millions de "chômeurs à temps partiel" inscrits à Pôle emploi. La Fondation Abbé Pierre rappelle, pour la 19ème année, combien pauvreté et mal-logement restent massifs.
Mais Hollande fait-il du "Hartz" sans Hartz ?
Il suit sa politique de l'offre. On la critique jusque dans ces colonnes, car elle est et sera inefficace. On entend répéter combien Hollande est un "social-démocrate pragmatique". On écoute les sieurs Sapin et Moscovici déclamer les habituels arguments pro-compétitivité. Tout cela sent le choc "schröderien" à plein nez. Mais pourtant, Hollande est encore loin, très loin de Hartz. La "Vrauche" clame le contraire, la "Drauche" s'en protège. Il y a à date aucun projet de mini-job à un euro, ni de rabots des indemnités chômage, ni de report de retraites à 65 ans, ni de sanctions renforcées contre les chômeurs. Le couple Hollande/Ayrault suit une ligne fragile et contestée entre le "choc de compétitivité" d'un côté, le maintien de la protection sociale de l'autre.
A droite, on a le choix entre un Front national économiquement xénophobe et une UMP qui joue le revival thatchérien: mercredi, Gilles Carrez, l'ancien rapporteur du budget à 600 milliards de dette supplémentaire, et Eric Woerth, l'ancien comptable du Premier Cercle, préconisent de porter à 100 milliards d'euros d'ici à 2017 la réduction des dépenses publiques.
Le Revanchard est de retour. Nicolas Sarkozy réapparaît, énième retour en grâce médiatique pour masquer une autre affaire, plus grave. France 3 diffuse de nouvelles accusations de financement occultes de sa campagne de 2007. Cette fois-ci, c'est un enregistrement audio du défunt colonel Kadhafi qui inquiète la Sarkozie. Ses proches allument quelques contre-feux. Comme des mouches sur le miel, des grappes de journalistes se jettent sur la moindre des confidences. Les Amis de Sarkozy improvisent un déjeuner devant les caméras. Il faut zapper l'effroyable reportage de l'excellente émission Pièces à Convictions qui retrace le passé récent de Sarkozy en Libye. Sarkozy en primaire, Sarkozy en recul, Sarkozy zen, Sarkozy partout. Jeudi, l'ancien monarque se fait accompagner en train par d'autres reporters en Charente, avant de repartir discrètement en voiture officielle: "là où la mer est passée, elle revient". On se pince pour ne pas rire. l'homme confie combien il a changé, sans rire ni sourire.
Le cirque a commencé. Sarkozy se précipite sous les projecteurs pour expliquer, toujours en "off", qu'il ne veut pas se précipiter. L'inquiétude que les affaires ne le rattrapent est palpable. Il veut aussi sa revanche.
A droite, François Fillon enrage.
Vendredi, Manuel Valls joue à l'antisarkozysme ... sarkozyste. A moins qu'il ne s'agisse d'un concours Lépine de "Qui expulse le mieux" ... Il présente "son" premier bilan en matière migratoire. Le nombre d'expulsions de clandestins s'est effondré de 25% en 2013 - soit 9.000 de moins qu'en 2012. Et les régularisations ont bondi de 10.000, soit +27%. La nouvelle surprend. La "Vrauche" se tait. Que n'a-t-on entendu que la politique vallsienne contre les sans-papiers était pire que celle de Nicolas Sarkozy ? Valls ferait du Sarkozy en régularisant comme Jospin... Allez comprendre... Mais à l'UMP, on se frotte les mains. A quelques semaines du scrutin municipal, l'occasion est trop belle. On réactive la guerre des chiffres sur l'immigration et l'insécurité: "les vannes de l'immigration sont grandes ouvertes : aujourd'hui les clandestins ont toutes les chances d'échapper aux expulsions, puis d'être régularisés et enfin naturalisés" balance Copé. Plus loin à droite, Manuel Valls est aussi la cible de Marine Le Pen. Cette dernière l'accuse d'être un "petit dictateur", avec un "cabinet noir". Et Valls entre dans ce jeu, accusant la droite de falsification des chiffres et de laxisme.
Grotesque.
En fin de semaine, Hollande file en Angleterre. Premier sommet franco-britannique avec David Cameron. Lequel, coincé dans une surenchère souverainiste et ultra-libérale (notez le grand écart), ne cesse de prendre la Hollandie comme le contre-exemple à ne pas suivre pour mieux défoncer des Travaillistes qui rongent leur frein. La croissance économique repart au Royaume Uni, clament les éditocrates français, comme en Espagne, ou en Italie. Ces pays, confrontés à une purge austéritaire qui placerait François Hollande dans les bras du Front de Gauche, effectivement se redressent. Pour une raison simple, quand on a enfin touché le fond de la piscine, il y a bien un moment où l'on remonte vers la surface.
Quel modèle...
Loin des bruits et des postures, Hollande est allé trinqué dans un pub avec Cameron. On imagine que certains crieront au complot. Lors de la conférence de presse officielle, un journaliste british évoque Julie Gayet. "Je ne vous répondrai pas" rétorque le président français.
Triste monde.
Ce 2 février, d'autres manifestent, pour "défendre la famille" prétendument mise à mal par l'équipe Hollande. Il y aura des curés, drapeaux en l'air, dans les rangs. Avaient-ils oublié le cri de l'Abbé Pierre ? La pauvreté et le mal-logement étaient donc moins urgentes, moins prioritaires dans l'agenda de ces troublés de la civilisation.
La France en vrac.
Crédit illustration: DoZone Parody