La Droite s’est, comme qui dirait, fait couper l’herbe sous le pied
puisqu’elle peut difficilement contester le bien fondé de l’initiative, au
moins dans son principe. Quand à sa gauche il lui fait boire le calice du
social-démocrato-libéralisme jusqu’à la lie.
Malgré tout, on peut dire que l’initiative a été relativement bien
appréciée, surtout parce qu’elle semble marquer un revirement idéologique
ouvertement assumé. Un socialiste a enfin compris que pour résorber le chômage
il fallait d'abord donner les moyens aux entreprises d’embaucher et non pas les
taxer dans tous les sens sous prétexte de distribuer de l'argent qui irait
soutenir la consommation.
Pour autant, et sans vouloir jouer au rabat-joie, la prudence s’impose et
comme beaucoup ma première réaction fut quelques chose comme « c’est bien
beau tout ça, mais attendons de voir ce qui en sortira avant d’applaudir à tout
rompre ».
Et malheureusement, comme c’est parti, la précaution risque de ne pas
s’avérer totalement inutile.
Comme souvent, c’est Montebourg qui a provoqué les premières inquiétudes en exigeant 2 millions d’emplois en contrepartie de….30 milliards de baisse des charges. Ce n’est d’ailleurs pas tant le chiffre en lui-même qui fait peur, pourquoi pas 2 millions ou 3 ou 10 millions tant qu’on y est, non ce qui inquiète c’est la justification des 2 millions. Montebourg nous dit tout simplement : « Nous avons besoin de faire baisser drastiquement le chômage, d'arriver à des niveaux raisonnables de 7%, un peu comme les Etats-Unis ou l'Allemagne » !
Mais bon sang mais c'est bien sur !
On veut ramener le taux de chômage au niveau de celui de l’Allemagne, eh
bien il suffit de dire au patronat, « on vous donne (disons qu'on ne vous
ponctionne pas) 30 milliards, et en échange, turlututu chapeau pointu, vous
nous ramenez le taux de chômage au niveau de celui de l’Allemagne » !
Malin le Montebourg !
Moi je serais lui, je leur donnerais 60 milliards aux patrons et hop, 4
millions de chômeurs en moins, éradiqué le chômage, tout le monde au boulot
!
Trop facile !
Certes on est ravi d’apprendre que Montebourg et à travers lui le PS
admettent officiellement que les charges trop élevées pesant sur les
entreprises pénalisent les entreprises et donc l’emploi, ce n'est pas ce qu'ils
ont toujours dit, mais à ce niveau là, on se demande s’il est complètement
déconnecté de la réalité ou s’il fait de la grossière provocation.
La baisse des charges devrait permettre effectivement de faciliter
l'embauche pour les entreprises qui ont actuellement besoin d'embaucher, mais
le problème il est surtout de faire en sorte que la plupart des entreprises
aient besoin d'embaucher.
Ne prenons pas le problème à l’envers. Les embauches ne peuvent être qu'une
résultante de l'amélioration de la situation des entreprises. Il serait absurde
d'utiliser l'argent économisé grâce à la baisse des charges pour embaucher. Les
entreprises doivent l'utiliser pour investir dans la recherche, la
commercialisation, la rénovation de leur appareil productif etc etc et si grâce
à tout cela elles vendent plus et mieux (meilleure marge) alors là, elles
pourront embaucher.
A ce stade là, on aurait pu penser que Montebourg avait fait du …Montebourg,
et qu’il était le seul à publiquement avoir des exigences absurdes qui ne
peuvent avoir qu’un seul effet, faire capoter ce beau projet.
Mais non !
Voilà qu’Ayrault à son tour, sans pour autant citer de chiffres, demande aux
partenaires sociaux qu’ils s’entendent sur des « propositions de
contreparties en termes d'embauches » exigeant des entreprises des
« engagements concrets ».
Alors certes, Gattaz avait évoqué le chiffre d’1 million d’emplois, mais
c’était pour une baisse des charges initialement de 100 milliards et non pas de
30 ! Le compte n’y est pas, d’autant que l’on soupçonne le gouvernement de
vouloir y inclure les 20 milliards du CICE, ce qui nous ramènerait à une baisse
supplémentaire de seulement 10 milliards par rapport à ce qui était prévu
!
Et de toute façons, ce chiffre de 1 million est évidemment plus symbolique
qu’autre choses, histoire de marquer les esprits. En tout état de cause, pas
question pour le MEDEF de signer en bas d’une feuille un quelconque engagement
chiffré, et il a raison !
Un tel engagement n’aurait aucun sens ! Un pacte de compétitivité,
comme son nom l’indique, doit avoir comme premier objectif d’augmenter la
compétitivité des entreprises, pour ensuite faire en sorte qu’elles puissent
embaucher. Et non l’inverse !
Or non seulement, les 30 voire 10 milliards octroyés risquent d’être très
insuffisants mais si cet argent est exclusivement utilisé pour embaucher, la
compétitivité des entreprises françaises n'est pas près de sortir de son
trou.
La seule contrepartie que le gouvernement devrait exiger des entreprises,
c’est qu’elles investissent, et en France de préférence, ce qui est
difficilement compatible avec des objectifs chiffrés.
Ce n’est pas pour rien que le MEDEF avait proposé l’idée à François Hollande
sous le nom de « Pacte de confiance ».
De deux choses l’une, soit le gouvernement impose aux entreprises des
contreparties de toutes sortes avec l'usine à gaz qui va avec et le pacte de
compétitivité aura fait pschittt, soit il leur fait confiance. Or, le moins que
l'on puise dire c'est que la confiance dans les entreprises, ce qui n’est ni
dans la culture des socialistes ni dans celles des partenaires
sociaux.
Seule solution pour Hollande s'il veut aller au bout de ses convictions, passer en force, et c'est là que l'on verra si les socialistes français ne se sont pas arrêté à mi-chemin de leur Bad-Godesberg.