Le feuilleton du Grand-Paris devrait ouvrir un nouveau chapitre demain. L’AFP annonce aujourd’hui que « le secrétaire d’Etat à la Région-Capitale Christian Blanc dévoilera mardi les termes de sa lettre de mission où il lui est demandé d’avoir “une vision” pour Paris et l’Ile-de-France, avant de définir un “projet” conduisant à une “gouvernance”, selon des sources gouvernementales. » Attendons donc de avoir ce que recèle cette lettre de mission dont l’AFP nous dit qu’elle a « donné lieu à plusieurs versions ».
En attendant demain, et après la sortie de Bertrand Delanoë, le maire de Paris, qui ne revendique pas de diriger le Grand-Paris et croit avoir mieux à faire ailleurs, je vous propose pour sortir de ce long week-end et avant d’aborder un nouvel épisode grand-parisien de lire ou relire et surtout de méditer ces lignes écrites par André Morizet en 1932 sur la construction du Grand-Paris, déjà…
“Que l’opinion publique daigne seulement s’intéresser aux problèmes que j’ai évoqués en ces pages ! Que les Parisiens, une fois par hasard, consentent à s’occuper de leurs propres intérêts ! Qu’ils comprennent enfin que leurs représentants, abandonnés à eux-mêmes, quelque bonne volonté qui les anime, sont dépouillés du meilleur de leur force !
Alors tout sera résolu. Lorsqu’on saura que les élus de la région parisienne n’exposent pas seulement des idées justes, mais qu’ils expriment dans les questions d’aménagement la volonté formelle de six à sept millions de citoyens, les difficultés de tous genres pèseront peu. Les égoïsmes s’effaceront, les lois se modifieront, les jurisprudences s’accompliront. Un flot irrésistible emportera les obstacles et, mieux que par des procédés d’autorité périmés, notre cause triomphera.
In hoc signo vinces ! La presse, la librairie, les congrès, les rapports et les discussions des assemblées, l’exemple des nations étrangères, tout doit concourir à déclencher le mouvement de l’opinion. Les résultats obtenus depuis quelques années sont rassurants. Des recrues nouvelles témoignent chaque jour, par des manifestations écrites ou verbales – parfois surprenants, mais il importe ! – que la grâce les a touchées.
Nous sommes encore loin du compte, et le temps presse…
Puissent les exemples de l’honnête Frochot, du brave Rambuteau, du génial Haussmann, de Chabrol, de Berger, de tous ceux dont j’ai évoqué le souvenir, qui servirent Paris chacun selon ses moyens, susciter des bonnes volontés actives !
Renouvelons leur effort, et pour honorer leur mémoire répétons-nous ce que Jaurès disait en 1910 à Barrès au cours d’un tournoi oratoire fameux : « La vraie manière de respecte le passé, ce n’est pas de se tourner vers les siècles éteints pour contempler une longue chaîne de fantômes ; c’est de continuer, vers l’avenir, l’œuvre des forces vives qui, dans le passé travaillèrent. »
Habitants du Grand Paris, mes frères, notre succès est en nous !”
André Morizet, Du vieux Paris au Paris moderne, Haussmann et ses prédécesseurs, Paris Hachette 1932.
Texte cité par l’indispensable Paris/Banlieues, conflits et solidarités d’Annie Fourcaut, Emmanuel Bellanger et Mathieu Flonneau aux éditions Créaphis;
Jean-Paul Chapon