Hier soir avait lieu à Lausanne une soirée consacrée au théâtre. Cette soirée était organisée par deux associations: Tulalu!? et Poudre d'âmes. Tulalu!? est une association qui a pour objet de promouvoir la littérature suisse romande, Poudre d'âmes de jouer les textes d'auteurs de théâtre suisses romands contemporains.
Ces deux associations, qui ont des objets différents mais complémentaires, ont des liens entre elles. En effet, elles se retrouvent pour défendre les textes des auteurs suisses romands et elles sont présidées par une seule et même personne, la dynamique Carole Dubuis, dont la tête est suffisamment grande pour se coiffer des deux casquettes.
Avec Sylvie Blondel, Carole Dubuis a d'ailleurs coiffé une troisième casquette hier soir, celle d'animatrice de la soirée, au Théâtre du Lapin-Vert, aimablement prêté pour la circonstance par La Société de Belles-Lettres.
En mai dernier, ces deux associations lancent un concours de piécettes de théâtre, avec pour thème Petites misères en Suisse romande. Une quinzaine d'auteurs participeront à ce concours. Quatre d'entre elles auront pour récompense d'être lues en public par des comédiens professionnels. Six, dont les quatre qui seront lues, seront publiées dans Le Persil, journal aux destinées duquel préside l'écrivain Marius Daniel Popescu.
Hier soir donc, les quatre piécettes, sélectionnées par un jury composé d'Anne-Frédérique Rochat, auteur de théâtre et comédienne, Emmanuelle Ricci, comédienne, et Joseph Voeffray, directeur artistique du Puloff Théâtres ont été lues brillamment par Sofia Verdon, Laurence Morisot, René-Claude Emery et Simon Romang, tous quatre habillés sobrement d'une blouse blanche et d'un pantalon.
L'amateur de théâtre que je suis a alors pu mesurer le saut que constitue le passage de la lecture de ces textes qu'il a faites en avant-première, seul, dans le silence de son chez soi, à la lecture faite par des comédiens qui leur donnent chair et voix...
Ces piécettes écrites par Adrienne Bovet, Guy Chevalley, Alexandre
Friederich, Giancarlo Copetti, Natacha Astuto et Marie-Claire Daul, figurent dans le numéro double du Persil de janvier 2014
(n° 76-77), chez Marius Daniel Popescu, avenue Floréal 16, 1008, Prilly, Suisse, [email protected], tél.: 00 41 21 626 18 79.
Après une pause, un débat a réuni sur scène trois intervenants, acteurs de la vie théâtrale romande: Nadège Reveillon, auteur de théâtre et éditrice de théâtre (Kazalma Editions), Cyril Kaiser, metteur en scène et directeur du Théâtre du Saule Rieur, Olivier Chiacchiari, auteur de théâtre.
Il ressort de ce débat que les auteurs de théâtre suisses romands existent - hier soir, j'en ai rencontrés -, mais qu'ils ont bien du mal à se faire jouer. Or un auteur qui n'est pas joué n'a pas beaucoup de chances d'améliorer ses textes...
Cette difficulté de se faire jouer tient, semble-t-il, au petit marché que représente la Suisse romande, laquelle est elle-même subdivisée en autant de petits marchés que de cantons, dont les frontières ne sont pas toujours pénétrables.
Monter une pièce de théâtre demande beaucoup d'efforts, notamment financiers. Ces efforts sont d'autant plus volontiers
consentis par les mécènes - ils ont ma préférence de libéral -, par les villes ou les cantons, qu'il y a en perspective un nombre conséquent de représentations... Du coup la manne va plutôt au
théâtre classique, à l'audience, en principe, assurée, qu'au théâtre de création...
Dans le passé, lointain, les auteurs de théâtre, tels que Shakespeare ou Molière, étaient leurs propres metteurs en scène et jouaient eux-même leurs pièces. Plus récemment, auteurs et metteurs en scène, tels que Giraudoux et Jouvet, formaient des binômes à succès. Aujourd'hui les auteurs de théâtre n'ont d'autre solution que de faire du réseautage, auprès des metteurs en scène plutôt, d'ailleurs, qu'auprès des directeurs de théâtre, et auprès de ceux qui tiennent les cordons de la bourse...
La grande leçon est donc que l'auteur de théâtre en Suisse romande doit non seulement écrire ses textes mais s'investir beaucoup, lui-même, dans leur promotion, d'autant qu'il a maintenant pour concurrents les auteurs de plateau...
Francis Richard