Pour la première fois, l'Assemblée a rendu publique et mis en ligne, mercredi 29 janvier, l'intégralité de l'utilisation de sa réserve pour 2013 - 81,6 millions d'euros de subventions, exposées sur 246 pages A4 et 10 939 lignes de tableaux - conformément aux vœux de son président, Claude Bartolone (PS). Il faut s’en réjouir et le mettre au crédit de cette majorité. Cela dit, je persiste à penser que ce dispositif devrait être tout bonnement supprimé. Et ce pour deux raisons au moins. Commençons par la plus évidente : le coût exhorbitant de sa distribution. Il faut savoir , en effet, que la réserve d’ un , ou d’une, député , ne consiste pas en une enveloppe financière qui lui serait attribué, une cagnotte, mais en un droit de tirage sur les Ministères compétents pour accorder les subventions souhaitées par nos parlementaires. Je vous laisse donc imaginer les circuits, l’énergie et les frais de fonctionnement de l’Etat, pour affecter, au nom, par exemple, du député Dassault, 890 euros pour la « création d'un point d'éclairage afin de sécuriser l'accès à une maison » construite au bout d'une rue de la commune de Ménévillers, 104 habitants; ou, sur la réserve narbonnaise de madame Marie Hélène Fabre, qui a eu l’élégance de la communiquer par voie de presse, 3 000 euros pour l’Arche, 2 000 euros pour l’association d’aide à la parentalité et 5 000 euros pour la Maison des potes… Une aberration administrative et financière d’autant plus coûteuse et opaque que l’immense majorité des « réserves » en question financent des opérations qui relèvent de la compétence des communes et des départements. Difficile donc de trouver mieux dans ce que l’Assemblée pourrait trouver de plus symbolique à éliminer dans la chasse aux dysfonctionnements de notre administration publique. Mais c’est sur le « fond » de ces pratiques au caractère un brin féodal que je voudrait attirer l’attention. Comme chacun le sait, ou plutôt, devrait le savoir, un parlementaire n’a pas de mandat impératif : il ne représente ni un territoire, ni les électeurs qui l’ont élu, mais la Nation ; et son travail consiste à élaborer et/ ou voter des lois et à contrôler l’action du gouvernement. Or, distribuer, même indirectement, des subventions sur sa circonscription est évidemment contraire à ce vieux principe républicain pourtant appris dans toutes les facultés de droit et induit nécessairement dans l'esprit des électeurs des soupçons de clientélisme - parfois, pour ne pas dire souvent, fondés . Il conviendrait donc, afin de mettre en conformité les us et coutumes de nos parlementaires avec les principes qui fondent notre démocratie, d'une part, et les souhaits présidentiels de clarifier, simplifier et supprimer les coûteux doublons administratifs, d'autre part, que l’Assemblée et son Président envoient cette réserve dans le magasin des antiquités nationales . Tiens, et si Marie Hélène Fabre, ma députée, prenait l’initiative d’une proposition de loi, ou de tout autre moyen, allant dans ce sens ? … Cette affaire mérite bien qu’on en débatte, non ?