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L’Or du Rhin

Publié le 31 janvier 2014 par Copeau @Contrepoints

Par Stéphane Montabert.

or-lingots

La banque centrale allemande pourrait avoir beaucoup moins d’or que ce qu’indiquent ses livres de compte, avec des conséquences imprévisibles sur les relations entre les pays et le système financier mondial.

Dans l’opéra de Wagner, l’Or du Rhin rend fou ses détenteurs et provoque une guerre entre les dieux. Il pourrait y avoir quelque chose de wagnérien dans la crise à venir… Traduisant ZeroHedge :

Un an après l’annonce stupéfiante – suscitée par les révélations de Zerohedge – de rapatrier 674 tonnes d’or de la Fed de New York et de la Banque de France, la Bundesbank n’a réussi à transférer qu’un maigre volume de 37 tonnes. Ce montant ne représente que 5% de l’objectif annoncé, bien en-dessous des 84 tonnes que la banque devrait annuellement recevoir pour rassembler les 674 tonnes escomptées dans l’intervalle de 8 ans entre 2013 et 2020.

La publication de ces chiffres quant à la lenteur du transfert a promptement entraîné la colère des Allemands et suscité de nombreuses allégations selon lesquelles l’or ne serait simplement plus en possession de ses gardiens outre-atlantique, aurait été loué, ou pire, vendu sans la moindre annonce formelle ou informelle. Les « théoriciens du complot » ne vont certainement pas se calmer en lisant l’article du 19 janvier du journal Die Welt où l’on apprend que seules 5 petites tonnes d’or ont été envoyées depuis la Fed de New York. Le reste vient de Paris.

Bien sûr, l’article original du journal allemand s’empresse de livrer des justifications rassurantes : l’or serait livré depuis Paris plutôt pour des raisons de logistique ; le lingot américain aurait en outre un format moins approprié nécessitant une refonte.

Comme le dit la sagesse populaire, une bonne excuse suffit. Pourquoi en apporter deux ? Et si l’une ou l’autre de ces explications est parfaitement convenable, pourquoi l’or est-il livré à la fois de New York et de Paris ? Et pourquoi dans des volumes si faibles en comparaison de ce qui est dû à la Bundesbank ?

On peut donner foi aux explications officielles, aussi incomplètes soient-elles. On peut penser aussi que les débiteurs de la « Buba » (le surnom de la banque centrale allemande) ont eu le plus grand mal à rassembler des lingots en quantité suffisante et font ce qu’ils peuvent pour faire illusion. Cette hypothèse de travail collerait davantage avec les tensions relevées ici-même sur l’or physique.

Mais la véritable nouveauté vient du canal choisi pour diffuser l’information. D’orientation conservatrice, Die Welt est un des trois plus grands quotidiens allemands. Pour la première fois, les préoccupations sur le retour de l’or allemand au pays sont exposées au grand public.

Le stade de la rumeur est dépassé. La population sait désormais, et parmi elle des politiciens. Comme la situation n’est pas vraiment à l’apaisement il y a peu de chances que l’inquiétude s’éteigne, malgré les manœuvres de la Fed et de la Banque de France. Si n’importe quelle banque centrale a des coffres moins bien remplis que ce que prétend sa comptabilité, il va être bientôt impossible de le cacher.

Tout le système international repose in fine sur la confiance entre les acteurs qui en font partie : confiance entre les investisseurs, envers les institutions, envers les publications de bilans financiers et les estimations des agences. Dans le genre, il sera difficile de lui porter un coup plus dévastateur que l’aveu de la disparition du stock d’or de la Buba, confié à ses alliés il y a un demi-siècle pour le protéger d’une éventuelle invasion de la République Fédérale d’Allemagne par l’Armée Rouge.

L’effondrement du château de carte financier pourrait-il venir d’Allemagne ?


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