En décembre dernier, j’ai eu la surprise de trouver dans ma boîte aux lettres un courrier de la part de Folio me proposant un partenariat avec la maison d’édition. Sincèrement, je ne m’y attendais pas du tout. Je ne pensais pas que mon blog et moi-même pouvions intéresser quelqu’un pour un partenariat. Renseignements pris au-près de Folio pour connaître les modalités et tout et tout – parce que moi, les partenariats j’y connais que dalle – j’accepte de faire partie de l’aventure.
En janvier, j’ai donc reçu mon tout premier livre. Parmi la sélection proposée, j’ai choisi « L’étoile jaune et le croissant » de Mohammed Aïssaoui. Parce que le synopsis m’avait donné envie d’en savoir plus sur le sujet.
Synopsis
"Sur les 23 000 "Justes parmi les nations", il n’y a pas un seul Arabe et pas un musulman de France ou du Maghreb. Alors, j’ai décidé de chercher. On m’a souvent répété : "Mais les témoins sont morts aujourd’hui." J’ai exhumé des archives, écouté des souvenirs, même imprécis, et retrouvé de vraies histoires : comme celle de cette infirmière juive ou celle du père de Philippe Bouvard qui ont échappé à la déportation grâce au fondateur de la Grande Mosquée de Paris, Kaddour Benghabrit.
Cet homme a sauvé d’autres vies. Et l’action du roi Mohammed V au Maroc durant l’Occupation ne lui vaudrait-elle pas aussi le titre de Juste ? "Celui qui écoute le témoin devient témoin à son tour." J’avais toujours à l’esprit cette phrase d’Elie Wiesel. Je l’ai écrite plusieurs fois, et suis parti en quête de témoins pour ne pas rompre le fil ténu de la mémoire." (Mohammed Aïssaoui).
Mon avis
S’il y a bien une question que je ne me suis jamais posée, c’est de savoir si parmi les « justes parmi les nations » y figuraient des musulmans, des arabes, des japonais ou bien des inuits. A vrai dire, j’avoue que finalement jusqu’alors je ne savais pas exactement en quoi consistait cette distinction, hormis le fait qu’elle était décernée à des personnes agit de façon positive envers un ou des juifs durant la Seconde Guerre Mondiale. J’ignorais par exemple que la personne devait avoir agi au péril de sa vie. Mais là n’est pas le sujet principal de ce livre, même s’il a tout de même son importance.
Le sujet, c’est cette quête que va mener Mohammed Aïssaoui pour essayer de comprendre pourquoi aucun musulmans de France de fait partie des 23000 noms, alors que certains d’entre eux ont été d’une aide très précieuses pour des dizaines de juifs.
Cette enquête va prendre forme au cœur même de la Mosquée de Paris, qui fut dirigée à l’époque par Si Kaddour Benghabrit. De nombreux témoignages affirment que le recteur de la Mosquée aurait sauvé et protégé de nombreux juifs afin de leur éviter la déportation. Que ce soit en les cachant dans la mosquée même, en leur aidant à obtenir de faux papiers attestant qu’ils sont musulmans, ou par des actions plus… originales, pourrait-on dire.
Oui mais, quand aucun document écrit ne vient confirmer les dires, quand au cœur même de la mosquée les archives se font rares voir inexistantes, et que l’actuel Recteur hésite lui-même à parler du rôle de ce lieu en temps d’Occupation, comment corroborer tout cela ? Comment apporter un dossier afin de faire reconnaître Si Kaddour ou un autre musulman comme « juste parmi les nations » ?
Alors, Mohammed Aïssaoui va devoir chercher. Parmi les témoins encore vivants, ou plus souvent les fils ou filles de témoins. Et si certains ne se montrent pas avares en paroles, d’autres se montrent plus réticents à parler, ou tout simplement ne savent pas, car ils n’ont jamais osé ou voulu demander à leurs parents de raconter. Pour le journaliste, c’est une frustration qui va bien au-delà du simple cas de Si Kaddour, puisque ce sont autant de témoignages oubliés dans le futur. D’une certaine manière cela est vrai, mais comme il reconnait lui-même, il y a des choses qui ne peuvent pas se raconter, qu’ils n’ont pas voulu dire de peur de ne pas être compris, tant c’est douloureux. Le devoir de mémoire est une chose utile, quelque chose à cultiver, mais loin d’être aussi évident que ce que l’on pourrait croire.
L’auteur va également chercher des informations dans les archives, un peu partout en France. Entre les Renseignements généraux, les archives nationales, les bibliothèques… M. Aïssaoui n’a de cesse de dénicher la moindre petite information, le moindre billet, la moindre lettre pouvant l’aider à mettre en avant les actes commis par Si Kaddour, mais également par d’autres musulmans de France. Il va se trouver confronter à des documents mettant en avant les travers de ces hommes. On découvre ainsi que la vie de SI Kaddour n’a pas été exemplaire en tout point de vue et que certains de ses faits et gestes durant la Guerre ont été controversés, notamment dans les années d’après-Guerre. Le recteur s’est même vu qualifié de collabo. Or des musulmans collabo, il y en a eu quelques uns, tels que Amin Al Husseini, mufti de Jerusalem qui se serait bien vu en tant que grand instigateur de la solution finale envers les juifs au Moyen-Orient (je pense que cette simple phrase démontre parfaitement l’était d’esprit de l’homme). Il y a également eu cette légion SS constituée uniquement de musulmans. A travers ces exemples de collabo et de musulmans anti-juifs, le journaliste a à cœur de mettre en avant cet antagonisme entre ces deux peuples pourtant si proches l’un de l’autre, et qu’il juge tellement abscons.
De cette enquête, M. Aïssaoui en ressort frustré car pour le moment rien de concret en est ressorti. Et on peut le comprendre. Mais le dossier est loin d’être refermé, il a même ouvert de nouvelles voies qui méritent d’être explorées, et l’on peut penser qu’un jour où l’autre figurera parmi les « justes » un musulmans de France.
Je dois avouer qu’en entamant ce livre j’avais une crainte : celle de me retrouver face à un ouvrage qui se contente de dire « c’est pas juste, nous les musulmans on a été oubliés, pourtant on a tous été exemplaires ». J’ai donc été agréablement surprise par ce petit livre.
Parce que Mohammed Aïssaoui établit un vrai travail de recherches et qu’il n’hésite pas à pointer les actions positives comme les plus néfastes.
Et parce que sa réflexion va bien au-delà du fait d’être reconnu en tant que « juste », mais aborde des sujets complexes tels que Le devoir de mémoire ou encore la relation difficiles entre les peuples juifs et musulmans.
Enfin parce qu’il est instructif, tout simplement.
Merci aux éditions Folio de m’avoir permis cette découverte
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