La notion marxienne de lutte des classes est l'héritage (et la conséquence logique) de la manière dont Hegel révolutionne la notion de contingence dans son rapport à la nécessité: quelle que soit la position que l'on prend vis-à-vis de la lutte des classes, y compris le plus "théorique", elle est toujours déjà un moment de la lutte des classes, qui implique en-soi un "parti pris", il n'y a pas de point de vue impartial, objectif, "neutre" qui permettrait au sujet de la décrire, car pour pouvoir en parler, le sujet doit toujours se situer à priori à l'intérieur de son horizon.
En ce sens précis, la lutte des classes "n'existe pas" puisqu'il n'y a pas d'élément qui y échappe, on ne peut l'appréhender "comme telle", "objectivement", car ce à quoi on a affaire n'est que l'objet partiel dont la cause absente est "la lutte des classes" en tant que réel qui fissure la société et l'empêche à jamais de coïncider avec elle-même.
La structure d'un discours de type "libéral-fasciste" repose essentiellement sur une métaphore "organisciste" de la société — pré-hegelienne donc ! — où la Substance (sociale) apparaîtrait comme un Tout, non clivé, où la société ne serait pas fissurée, où elle correspondrait à elle-même selon l'image naïve d'un corps (corps social) équipé de ses membres…
C'est déjà constituer un discours de classe que de considérer qu'il pourrait exister un point neutre où le sujet n'aurait pas déjà, à priori, pris parti.
Les Gender Studies représentent la forme contemporaine la plus avancée du Discours Universitaire (au sens lacanien) l'agent en est fondamentalement désengagé, il se pose lui-même comme un exécutant de "Lois Objectives", observateur s'effaçant lui-même en tant que sujet de l'énonciation, devant un Savoir Neutre (en termes cliniques, sa position est proche de celle du pervers).
La finalité du Discours de l'Université (discours scientifique) est d'exclure le $ujet divisé, le $ujet qui souffre, le $ujet qui parle, tout ça au "service du Bien", voilà pourquoi je parle de l'idéologie libéral-fasciste qui sous-tend le Discours Capitaliste (représenté aujourd'hui par la classe des médiocrates à laquelle appartiennent lex pseudo-socialistes gouvernementaux) c'est la menace qui avance sous le masque du sentimentalisme, de la "tolérance", de le bien-pensance "égalitariste"…
1984, c'est maintenant.
La Gender Theory (théorie des genres), dominante dans les universités américaines — et in fine dans l'Université tout court — s'origine sur ce que les anglo-saxons ont appelé French Theory (incluant les travaux de Foucault, Derrida, Deleuze, Levi-Strauss, Althusser, Baudrillard, etc. jusqu'à… Lacan ! ) pour accoucher d'une argumentation fine et détaillée sur la différence qu'il faut faire entre:
• la dimension faussement "destinale" du SEXE en tant qu'anatomique, "biologique": homme / femme)
et
• la construction sociale du GENRE en tant que discursive, culturelle: masculin / féminin…
Cette réflexion, fallacieusement présentée comme d'origine "psychanalytique" et "marxiste" en trahit en vérité doublement les (prétendus) fondements théoriques par:
1/ la méconnaissance de la pensée freudo-lacanienne dans son essence, et donc dans son radical antagonisme aux présupposés philosophiques courants
et
2/ une approximation opportuniste de la pensée marxienne, qui ne prend pas en compte le dernier Marx, et notamment sa redéfinition du prolétariat dans son rôle d'agent historique…
Cette erreur de perspective est suffisamment fréquente pour être devenue la norme, les tenants du discours universitaire s'avérant incapables de saisir l'écart fondamental entre la philosophie et la psychanalyse sur la "différence sexuelle".
Ainsi, l'homme, l'être, l'individu, la personne, le da-sein, le sujet… ce sont des mots qui définissent un certain horizon de sens. Et de non-sens.
Dans la tradition philosophique pré-lacanienne, ce qui s'appelle sujet (cf L'herméneutique du sujet de Foucault) n'est pas en soi sexualisé, la sexualisation c'est quelque chose qui se passe au niveau empirique, contingent, il y aurait ainsi d'abord un sujet, et ensuite sa sexualisation…
Dans la théorie psychanalytique, c'est l'inverse, c'est la sexuation qui est la condition formelle a priori de la constitution d'un sujet, raison (entre autres) pour laquelle le sujet de l'inconscient, le sujet de la psychanalyse, est un sujet divisé, un sujet clivé, un sujet barré, inconsistant, qui se note $.
La différence sexuelle thématisée par Lacan, avec son inéluctable sexuation des "parlêtres" ne peut donc jamais coïncider avec la problématique déconstructionniste de la "constitution sociale du genre", un gouffre séparant les deux approches…
Lorsque Lacan dit que la différence sexuelle est "réelle" il ne DIT PAS que si vous n'occupez pas la place qui vous est attribuée par l'ordre hétérosexuel en tant qu'un "homme" ou en tant qu'une "femme", vous êtes exclu du domaine symbolique, il dit qu'IL N'Y A PAS DE NORME SEXUELLE.
La différence sexuelle est "réelle", cela veut dire qu'elle est IMPOSSIBLE.
Impossible à dire, impossible à formuler, impossible à exprimer en éléments de la chaîne signifiante, impossible à articuler. Définitivement.
PS : Les tenants de la Gender Theory ne veulent rien savoir du sujet de la psychanalyse (noté $) qui est irréductible définitivement aux histoires qu'il peut se raconter sur lui-même ou sur le monde, car c'est un "vide", ce moment cartésien du vide qui constitue l'angoissante promesse de notre possible liberté...
Signaler ce contenu comme inapproprié