Poésie du samedi 64 (nouvelle série),
à Olivier,
Heureux rois mages qui ont su la distinguer entre toutes et la suivre… Je ne sais pas si elle fut pour eux comme une révélation, mais elle leur fut au moins signe qui guida leurs pas. Le signe en question a beau être ténu, scintillant au point de sembler tremblant, ceux qui doivent le voir le voient de toutes façons. Sans doute par ce qu’on ne voit bien qu’avec le cœur, à l’exemple du Petit Prince qui s’y connaissait en matière d’étoiles…
Un beau jour, j’ai ouvert au hasard un livre chez un libraire historique mais juste déménagé et où la poésie est toujours bien présente sur les tables. Page 88 à gauche, le poème s’intitulait La révélation, page 89 à droite, on lisait le début de L’inachevable… Heureux hasard objectif qui me fit comprendre intuitivement (intuiter serait un verbe à faire entrer au dictionnaire !) de quel feu ardait cette étoile-là ! Et je découvris ainsi François Montmaneix, un poète pour lequel tout fait symbole dans le rapport que nous pouvons entretenir avec le monde, avec la nature. « Laisser verdure » est un titre emprunté à Georges Sand, dont ce serait là les derniers mots prononcés avant qu’elle s’éteigne à Nohant en 1876… Et Yves Bonnefoy titre sa préface « Laisser lumière »… on ne saurait mieux dire. « Tant de flamme affranchit l'être au monde » écrit excellemment Montmaneix dont ailleurs on capte bien le parfum du bois dont il se chauffe « Mes bûches d’acacia sentent le miel »…
La révélation
L’étoile au soir la plus tremblante
de mourir loin du nombre d’or
te souviens-tu de sa lueur
éclairant l’adieu au temps présent
à l’issue de moissons inachevées ?
Dans le choral des voix de la forêt
comme dans la peinture à fresque
qui tout là-haut orne les siècles
d’une Italie qui n’aurait pas de fin
j’ai bâti de mes mains la demeure
que j’offrirai au plus simple des rêves
dont les miroirs m’auront livré passage
La neige à coup de vastes pelletées
déblayera les images anciennes
qui laisseront sous le ciel un espace
pesant son poids de transparence
et tout sera comme avant d’être fait
L'inachevable
Aidé par une flambée de bois mort
je demande aux ombres sur le mur
s'il se pourrait qu'il y eût sous le ciel
un feu où je n'aurais point de part
un feu que je n'aurais pas vu monter
depuis ces cris d'enfants dans les buissons
qui ondulent sur les collines
jusqu'aux modulations de l'âme
coloriées par des robes dans les rues
Tant de flamme affranchit l'être au monde
qu'à mon réveil j'irai porter
ce fer au feu de pierre en pierre
pour permettre à mes foules d'étincelles
d'apaiser un peu de leur finitude
là où chante le grand foyer
sans faille ni fumée
ce fils du premier feu
allumé par la main de l'homme
venu dire à la face des temps
les choses inouïes
qui scelleraient le terme d'une histoire
commencée bien avant l'origine
par la preuve du seul brasier
qui ne s'achève pas dans la cendre
François Montmaneix, né à Lyon en 1938, Laissez verdure, préface d’Yves Bonnefoy, Le Castor Astral 2012.