En octobre dernier, France Télévisions lançait “Génération Quoi ?“, une grande enquête censée établir le portrait d’une génération, celle des 18-34 ans. Le dispositif ? Un questionnaire interactif disponible sur smartphone, ordinateur et tablette, et une expérience web complète comprenant vidéos, sondages et réseaux sociaux. Quelques mois plus tard arrive le pendant Belge, dénommé “What The Fake ?!“.
C’est de ce dernier dont je vais parler, en revenant sur le lancement par la RTBF de cette nouvelle expérimentation web, moins de 15 jours après son dévoilement au public. Le fait est que je trouve toujours remarquable la manière dont ce type de projet peut commettre des petites erreurs. Il s’agit donc d’un bon cas d’étude.
A vrai dire, je ne sais pas si on peut le comparer à Génération Quoi ?. What The Fake ?! se veut être une expérience transmédia interactive dans laquelle les ados vont pouvoir bousculer les codes de communication des adultes. On réduit donc le spectre du public concerné, en passant aux 13-18 ans. Les ambitions sont aussi plus réduites, l’objectif n’étant plus le même.
Plutôt que de faire le portrait d’une génération, le but de What The Fake ?! est de donner la parole aux ados pour comprendre leurs modes de communication, notamment via les nouvelles technologies. Nous ne sommes donc pas en face d’une Grande Enquête (oui, avec des majuscules) mais plus d’un espace d’expression. Notez que la différence est évidente dès la ponctuation des deux projets.
En pratique, What The Fake ?! (que j’appellerai pour la suite WTF) propose chaque semaine aux internautes de s’exprimer autour d’un sujet, celui de cette semaine portant par exemple sur les conséquences de poster des photos de soi sur le web. Ceci s’accompagne de débats et de micro-trottoirs sous forme de vidéos, des wébisodes diffusés de manière hebdomadaire. Lancé ce 17 janvier 2014, je ne vais pas vous proposer une analyse complète de l’expérience ni juger de son bien fondé. Ce qui m’intéresse ici, c’est l’utilisation des réseaux sociaux et de la web vidéo, outil central dans ce dispositif.
Une page Google+ désertée.
WTF se décline donc en un portail principal et une présence sur les réseaux sociaux : Facebook, Twitter et Youtube. Et Google+ ? Pas vraiment. Ils sont peu nombreux les community managers en Belgique à savoir utiliser Google+ dans sa pleine mesure et ce n’est pas cette expérience transmédia qui prouvera le contraire. Actuellement, la page est désespérément vide, avec les deux vidéos existantes postées sans aucun commentaire. Il est probable que le compte ait été créé automatiquement avec la chaîne Youtube.
Sauf que le rapprochement récent entre Youtube et Google+ ne se limite pas à cette liaison fatale, on le retrouve aussi au niveau du système de commentaires. Par exemple, voici ce que l’on obtient lorsqu’on ne modifie pas le texte par défaut sur Google+ (regardez bien sous la vidéo) :
Personnalisez votre message.
Moralité : il vaut mieux ne pas utiliser Google+ que de mal l’utiliser. C’est valable pour tous les réseaux.
La page Youtube WTF est aussi un drôle de phénomène. Depuis l’apparition du nouveau design de Youtube, les différents liens menant aux réseaux sociaux s’intègrent dans la bannière de la chaîne. Encore une fois, la liaison avec Google+ est automatique, ce qui implique que dans cette bannière, on a accès par défaut au profil Google+ lié (qui ne sert à rien ici). On peut aussi y ajouter Twitter, Facebook… Dommage que pour une expérience web, aucun lien n’ait été fait vers les autres réseaux utilisés par WTF… pas même vers son portail officiel !
S’abonner, c’est gagner ?
Sur ce même profil, on remarque aussi les abonnements de la chaîne à Rihanna, Eminem, Psy, Cyprien… J’en cherche encore l’utilité. Un utilisateur lambda s’abonnera aux chaînes correspondant à ses centres d’intérêt. Un utilisateur institutionnel comme WTF n’y gagne rien. Nous ne sommes pas sur Twitter et ces comptes ne s’abonneront jamais en retour. Alors quoi ? S’agit-il de cibler les chaînes auquel le public visé par le projet (aka les ados) pourrait adhérer ?
Je trouve que c’est une occasion manquée, puisque ces abonnements auraient pu renvoyer à des contenus pertinents, en rapport avec l’expérience. Par exemple, il aurait été judicieux de s’en servir de vitrine pour la RTBF et ses autres projets (comme Typique par exemple, qui peut intéresser plus ou moins le même public).
What The Fake ?! est donc un projet intelligent, qui n’a pas encore tout à fait pris son envol. Rien de choquant, quelques ajustements doivent encore être fait pour qu’il atteigne sa vitesse de croisière. Le tout est loin d’être innocent pour la RTBF. Comme pour Typique, il s’agit d’un appel du pied vers un public que le groupe a du mal à conquérir.
Derrière l’interaction et l’espace de dialogue proposé aux 13-18 ans, il y a là un moyen de rejoindre cette jeune génération, un public qui a bien souvent décroché du schéma télévisuel habituel. On les retrouve plus actif que jamais sur Internet et ce sont des utilisateurs intensifs des nouvelles technologies et des réseaux sociaux. Utiliser leurs codes pour essayer de les récupérer et de les faire revenir vers leurs postes de TV, en utilisant pour ce faire un projet transmédia (un nouveau langage pour une nouvelle génération), ça a du sens.
On verra dans quelques semaines à quel point ça a fonctionné.