« Poèmes »
RATOUCHINSKAÏA Irina
(Bourgois)
Livre découvert sur l’étal aux occasions (Gibert). Publié, en France, en 1989. Ces poèmes furent écrits par une jeune femme enfermée dans un camp de « travail à régime sévère ». Dans la Russie toujours soviétique. Deux années d’enfermement semble-t-il. Qui ne réduisent cependant pas Irina Ratouchinskaïa au silence. Elle écrit. Et ses mots, près de trente ans plus tard, n’ont rien perdu de leurs vibrations.
« Sisyphe
Tenant tête au dieu qui le nargue,
Et roulant jusqu’au but
Son rocher !
Lévite,
Arrachant le rideau de l’arche,
Pour oser, à mains nues,
La toucher !
Oisillon
Prisonnier, qui brise une vitre,
Pour – loin au dehors ! –
S’envoler.
Je fais front.
Si ce n’est pas moi, qui d’autre ?
Et sans fin redoublés :
Non le froid –
A la conscience nul accès
(Quels fleuves de chaleur !),
Ni le temps –
Ce pitre, qui pour la valeur
Du mot « perpétuité »
Nous intente un procès,
Ni la séparation –
Masque d’un sou – ni même la captivité –
Ces galons d’histrion !
Menacer de tourments
A vie, des âmes immortelles – c’est à rire !
Eh bien, rions ! »
(Septembre 1985)