L’amour peut rendre fou et la personne la plus raisonnable se métamorphoser en amoureux (se) incontrôlable.
Face à leur voyante, les consultant(e)s ont de moins en moins de limites, de réserve, de pudeur. On se retrouve ainsi la confidente de leurs liaisons, de leurs fantasmes, de leurs rêves, de leurs échecs aussi.La voyante devient alors la spectatrice démunie de certaines séances où le désir amoureux se transforme en presque folie : jalousie, obsession, despotisme, colère, désespoir, délire sont alors tant de signaux d’alarme que nous allons devoir esquiver, tentant de garder un minimum de lucidité et donc d’extra-lucidité.
Il n’est pas toujours aisé de prédire le contraire de ce que l’amoureux fou attend désespérément.
Il y a des consultant(e)s qui resteront longtemps dans cette folie amoureuse et refuseront obstinément de vivre autre chose, et puis il y a ces amoureux éperdus qui sortiront un jour de leur folie provisoire.
Ils ont tous le même point commun : ils refusent d’entendre ou d’apprendre tout ce qui ne concerne pas la personne dont ils sont fous amoureux et tout ce qui ne va pas dans le sens de leur obsession amoureuse.
Il m’arrive parfois de leur conseiller d’aller consulter un thérapeute, afin de sortir de leur souffrance, de leur névrose.
Il m’arrive souvent de leur dire : « Ce que je vais vous dire va vous déplaire, puisque n’allant pas dans votre sens, vous allez certainement me détester quelques temps, mais quand vous serez sorti(e) de cette histoire, avec le recul du temps, vous m’adorerez car je serai le juste reflet de ce que vous avez enduré ».
J’ai déjà dans mes précédents articles détaillé certaines de mes rencontres avec la folie amoureuse :
La vilaine qui avait jeté son dévolu sur son joli collègueElle m'avait prévenue au téléphone :"Nous avons le même prénom, nous allons vivre un sacré moment !" (En fait, un des pires moments de ma vie de voyante). Elle arrive tard en fin de journée. J'ai presque un mouvement de recul tant cette femme est laide et son aura maléfique. Petite, sans forme, boutonneuse, chauve sur la moitié du crâne, une attitude aussi repoussante que son physique.Elle s'assied face à moi et d'un ton intempestif :"Si vous n'êtes pas trop nulle, dites-moi tout sur cet homme"Elle pose la photo du prétendant. Beau garçon d'allure classique, beaucoup plus jeune qu'elle.Je me concentre (le malaise est palpable) :"Vous travaillez avec lui au siège social d'une banque, il vient de lancer une fausse rumeur"Ses lèvres se tordent de nervosité :"Certes, certes, mais encore???"Je regarde la photo de ce pauvre homme dont les yeux semblent m'implorer ("non non ne lui dis rien s'il te plaît») et de guerre lasse je lâche: "Il fait croire depuis peu qu'il est homosexuel mais il ne l'est pas""Oui !! Alors que je lui déclare enfin mon amour, je sais qu'il n'est pas homo ! Espèce de nulle dites-moi pourquoi il m'a menti? " hurle-t-elle.Je précise au passage que cette femme réussissait brillamment dans son métier après plus de 10 années d'études supérieures...Il est évident que l'objet de son désir avait menti sur sa sexualité pour échapper aux griffes de cette harpie. Je dodeline de la tête, ennuyée.Les minutes s'écoulent interminables et elle finit par m'asséner un mémorable :"Je vais le forcer à m'embrasser lors du repas de fin d'année de notre entreprise et il sera bien obligé de me faire un enfant !"Cette dernière phrase résume à elle-seule toute la folie de cette femme. Elle continuera à me hurler dessus, à m'insulter via de petites formules perfides. Excédée, je finirai par la mettre avec fermeté à la porte. Trop c'est trop.Je reste seule et vidée. Cette expérience inhumaine avec ce monstre me donnera envie d'arrêter subitement et radicalement la voyance. Ce que je ne fis que quelques jours durant. Finalement, cette peste n'aura pas eu ma peau.
L’amour passion, sa jalousie restera sa pire ennemieMais d’autres expériences liées à la folie amoureuse me reviennent en mémoire :Elle est italienne, excessive et, après des années de liaison, cette latine sanguine est toujours folle amoureuse de ce brillant universitaire qui a fini par la quitter, car excédé par ses crises de jalousie interminables.Il a divorcé pour elle, elle déteste toujours son ancienne femme.Il est beau,elle ne supporte pas les regards féminins posés sur lui. Il est proche de ses enfants,elle n'accepte pas de devoir le partager avec eux.La vie de cet homme étant devenu un enfer passionnel, il a préféré mettre de la distance entre lui et son ancienne et volcanique maîtresse. Il accepte donc une mutation sous d'autres et lointaines latitudes géographiques.Le temps passe. Ma consultante se morfond d'amour et affirme avoir tiré les enseignements de cette rupture :"J'ai compris que ma jalousie avait tout détruit, j'ai travaillé dessus et si il revient à moi rien ne sera comme avant".Je suis un peu dubitative :"Et bien nous en aurons bientôt la preuve car je pense que vous le reverrez d'ici quelques mois, il est encore très amoureux de vous, vous le dira clairement, mais si vous lui faites à nouveau une crise de jalousie, il disparaîtra totalement de votre vie!" "Nathaly! Si par bonheur il me revient, plus jamais de ma vie je ne serai jalouse" s’enflamme-t-elle.Le temps passe et un soir je reçois un mail incendiaire :" Je l'ai vu, il m'a dit que j'étais la femme de sa vie, m'a demandée en mariage, mais a osé répondre à son ancienne femme au téléphone alors que nous étions ensemble. C'est insupportable ! Je lui ai dit ma façon de penser à ce monstre! Mais je n'ai plus de nouvelles de lui depuis, vous vous êtes vraiment plantée ma pauvre!!".Je répondis laconiquement à ce mail car une voyante n'est pas un punching-ball pour névrosées. Oui elle l'avait bien, et uniquement par sa faute, définitivement perdu.
L’obsessionnelle - L’actrice des sixties
Elle a été une star de la Nouvelle Vague. Elle a gardé depuis le même look, même coiffure, mêmes vêtements, même voix monocorde.Elle a eu une aventure avec un metteur en scène il y a près de 50 ans, et est intimement convaincue que leur passion est intacte depuis.Il n’en est rien. L’homme s’est marié avec une autre et il vit désormais bien loin de la France. Ils ne se sont jamais revus, il répond parfois poliment à ses messages.Mais ma consultante est convaincue qu’il l’aime encore et c’est pour cette raison qu’elle n’a jamais fait sa vie avec un autre homme :« Vous allez encore me dire que je dois tourner la page, qu’en 50 ans il a dû m’oublier, mais pourtant je sens sa présence chaque jour dans mon appartement, son parfum, le cigare qu’il fume…Je ne suis pas folle ! ».Cette personne en effet n’est pas folle. Elle refuse de sortir d’une obsession amoureuse.Je lui réaffirme à chacune de ses visites que cet homme n’est plus dans sa vie et qu’apparemment il ne le sera plus jamais.Elle me regarde avec l’innocence de ses grands yeux bordés de khôl :« Pense-t-il à moi quand il s’endort le soir ? ».Et cette actrice continue inlassablement d’aimer un souvenir vieux de 50 ans, et donc de me parler de lui à chacune de ses visites.Une folie douce, mais combien d’années perdues à attendre un « fantôme » ?
Celle qui rêve sa vie - C’est quoi ce minable que vous me prédisez ?Oui la folie amoureuse peut revêtir plusieurs visages : continuer d’aimer quelqu’un qui ne vous aime plus, aimer quelqu’un qui ne vous aimera jamais, refuser d’admettre une rupture, faire vivre à l’autre un enfer au nom de l’amour… Tous ont un point commun : cette folie amoureuse masque tout le reste, cet amour monopole leur vie et leur esprit. Rien d’autre n’a d’intérêt à leurs yeux.Elle arrive dans un nuage de parfum capiteux et boudinée dans un tailleur trop petit de plusieurs tailles.Avant même que j’ai pu ouvrir la bouche, elle me prévient qu’elle est exceptionnelle, que personne dans son travail ne lui arrive à la cheville, que tous ses amants se battent en duel pour elle, qu’elle ne supporte pas la médiocrité, que toutes les femmes sont jalouses de sa beauté.J’ose à peine intervenir, tant cette bourrasque de prétention m’effraie.Mais bon, j’ai pour habitude de toujours rechercher en l’autre la parcelle de sympathie même infime qui me donnera envie de lui prédire son avenir.Elle veut retomber amoureuse et d’ailleurs je capte un nouvel homme entrer dans sa vie. Je lui décris avec force de détails.Elle réagit avec colère :« C’est quoi ce minable que vous me prédisez ? Revoyez votre texte ! ».Je me retrouve un peu déstabilisée car dans ma description rien ne me semblait devoir soulever un tel rejet :« Pardon ! Que reprochez-vous à cet homme ? »« Il a l’air débile ! » me dit-elle.S’en suivirent de longues minutes où je tentais de la convaincre qu’aucun de mes mots ne transmettaient cette idée, et où elle s’énervait de plus en plus, me disant en boucle :« Eh bien moi je suis sûre que c’est un « con », j’en ai marre de tomber sur des « cons » !! Je refuse de rencontrer cet homme !»Etait-elle venue dans mon cabinet déverser son animosité envers son dernier amant, sa déception envers sa vie amoureuse ?Elle demeure pour moi un exemple illustrant que l’exigence amoureuse peut elle-aussi rimer avec folie.
Alors face à ces amoureux fous comment réagir en tant que voyante ? Refuser de les recevoir ? Les orienter systématiquement vers un psy ? Entrer dans leur jeu ? Défendre mordicus ses prédictions qui sont contraires de ce qu’ils en attendent?
Même si je suis finalement assez rarement confrontée à ces « esclaves de l’amour » (mon côté cash n’allant pas dans le sens de leur folie amoureuse), il m’arrive encore de les prendre de plein fouet, au hasard d’un nouveau rendez-vous.
Lorsqu’ils (elles) partent, je reste éreintée, lessivée, et je me dis souvent que ces rendez-vous sont comme une erreur d’aiguillage : mauvaise direction, agacement et perte de temps. Ils se moquent de leur avenir, seul(e) celui ou celle qu’ils aiment est important(e).
Mais quand certains en sortent et enfin libérés reviennent vous consulter, quelle satisfaction humaine pour la voyante que je suis :
Elle a été battue, trompée, abandonnée et l’a toujours reprisElle porte la fatalité de son couple sur son visage : vieillie avant l’âge, toujours triste, anxieuse, le moindre bruit la fait sursauter.Je l’accompagne patiemment depuis plusieurs années, persuadée qu’elle finira un jour par quitter cet homme qui la trompe avec toutes les femmes (secrétaire, cliente, meilleure amie, banquière…). Quand elle lui reproche, il la frappe, histoire de la faire taire.Cette femme est mariée avec un monstre, que certains qualifieraient de « border line » mais que j’ai fini par appeler plus sobrement « votre salaud de mari ».Elle est comme sous l’emprise d’une drogue, d’una addiction, incapable d’imaginer la vie sans lui.Toutes les amies de cette femme lui ont une à une tourné le dos, excédées par sa soumission.Elle a cessé de travailler et vit en vase clos dans une maison sans enfants (son mari ne voulant pas d’enfants d’elle l’a faite avorter plusieurs fois) et un époux de plus en plus absent au gré de ses maîtresses.Le temps passe, elle est toujours avec lui, mais je reste convaincue qu’un jour elle le quittera, reste à savoir quand.Un jour enfin, des détails m’arrivent :« Tiens vous allez tomber amoureuse d’un homme relativement jeune et voyager avec lui dans le nord de l’Afrique ».Elle relève vers moi son beau visage :« Je ne crois plus aux miracles Nathaly, même Dieu m’a abandonnée » Et pourtant le miracle eut lieu, elle rencontra ce beau jeune homme dans la salle d’attente de son médecin généraliste. Elle dut lui expliquer pourquoi elle cachait les bleus de ses avant-bras en étirant nerveusement les manches de son pull. Elle lui parla du monstre qui la trompait, la battait, et lui faisait perdre toute envie de vivre.Cet homme lui envoya un billet d’avion, il travaillait en effet dans plusieurs pays du Maghreb. Elle quitta tout pour lui, c’est-à-dire pas grand-chose. Et aux dernières nouvelles, ils filent des jours heureux dans la campagne normande.
Donc rien n’est fatal. Et l’amour le plus fou, le plus destructeur, peut laisser un jour place à une vraie histoire d’amour, heureuse et partagée.Pour la Voyante que je suis, reste à savoir où, quand, comment, et surtout à faire preuve de patience face à celui ou celle que l’amour a rendu (e) dingue.