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Au commencement, tout en coquetterie aimablement bucolique, et brusques sinuosités perpétuées (sans prévenir personne) en abordant la prairie, et contournements scrupuleux des parcelles (au dernier moment), et systématique loyauté à l’égard des talus et des bouchures, au commencement, donc, tout en profusion baroque d’herbes folles à vous renifler les mollets, et ronces agaçantes en travers de la route, et broussailles envahissantes pour qui persiste à vouloir les franchir, au commencement, donc, le chemin des ânesses aspire grave à l'asphalte… Au commencement, le chemin des ânesses se rêve même, explicitement, presque embarrassé de trottoirs soigneusement goudronnés et de caniveaux à l’avenant charriant sans les juger des fleuves d’intempéries, et traînes d’orage, et débordements de poubelles, et déjections canines, et crachats…. Rougissant sa honte d’abriter parfois, en pénombre, force confidences adultères, et clameurs volages, et serments scélérats scellés sous les auspices champêtre d’une grive et d’un rossignol. Et puis, comme ultime recours, un peu lourd, désespérant d’exubérance végétale les escapades buissonnières de collégiens aux genoux écorchés, et léger duvet de moustache, et fanfaronnades sentimentales rien que pour toi. Et puis, encourageant d’arcs en ciel et d’une subite accalmie des bourrasques, les gesticules bavards et paresseux d'employés municipaux censés ravager, aux beaux jours, les taillis et les touffes. Au commencement du monde, le chemin des ânesses abrite encore, quoiqu’en déclin, une université de musaraignes, une académie de merles, un institut baveux d’escargots, un paysage.