Per Svenson, L’ennemi public N°1, est condamné à mourir devant les caméras..
Scénario de Zidrou, dessin de Alexei Kispredilov, Public conseillé : Adulte & adolescent
Style : Polar Paru chez Delcourt, le 29 janvier 2014
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L’histoire
A quelques jours de la retraite, Rosko Timber, agent de la milice privée P. Pol. arrête, devant les caméras du monde entier, l’ennemi public numéro 1, Per Svenson. Le meurtrier en série vient de commettre son dernier carnage en assassinant toute la famille de la jeune Epiphanie.
Six ans plus tard, deux miliciens de P. Pol mettent la main sur un petit voleur de sac à main. Mais comme la victime n’est pas à jour de son contrat de ??, ils laissent s’enfuir le jeune délinquant.
Tandis que Rosko, vieillissant, mais toujours en forme, tente de se faire oublier, ses collègues se passionnent pour la dernière émission de Pimento TV. La chaîne propose aux téléspectateurs de voter pour choisir la mort de Per Svenson (diffusée en direct) : douche d’acide ou crémation ?
Le « Zidrou » de la semaine !
Et hop, encore une BD signée Zidrou ! Deux semaines à peine après le premier opus de « La Mondaine » (avec Jordi Lafebre au dessin), Zidrou revient en force avec un pavé de 90 pages. Prévu en trois tomes, « Rosko » est un polar d’anticipation bien frappé et grinçant à souhait, qui utilise les codes du genre, en égratignant jusqu’au sang notre (possible) société future.
Prenant pied sur le terreau (bien fumant et puant) d’une société hyper-libérale et matérialiste, il nous offre un récit haletant qui oscille entre critique sociale et polar noir. Dans ce récit cynique, Zidrou n’oublie pas l’humour noir de situation qui met en lumière les dérives du système.
Les personnages
Dans cette société pourrie, Rosko, le personnage central est paradoxalement le moins actif. Observateur dégoutté du système, il est là pour en pointer du doigt les tares.
A l’inverse Per Svenson, le monstre, le salaud, l’ennemi public est celui qui tire son épingle du jeu. Complètement allumé dans son délire mystique, ce meurtrier multi-récidiviste (90 homicides au compteur) semble serein à l’approche de son châtiment. J’en aurais presque éprouvé un peu d’empathie pour son sort.
Ces deux personnages opposés sont particulièrement soignés et denses. Complexes, en contradiction avec eux-mêmes, ce sont de vrais personnages de romans.
A côté de ce duel (héros / anti-héros), une galerie de seconds rôles complètent l’univers. Policiers (hommes ou femmes) brutaux et superficiels, prêtre vendu, jeune victime de Per Svenson en révolte et paumés en tout genre, Zidrou soigne son « casting ».
Le récit
Zidrou est incontestablement un auteur qui compte. Dans Rosko (T1), il développe un récit qui monte en puissance. Dérapage, changement de rythme et rebondissements, il sait donner coups de frein et coups d’accélérateur au bon moment.
Avec son « scénario chorale », il met en scène plusieurs récits parallèles avec une belle maîtrise. Chaque trajectoire singulière trouve sa place (naturellement) dans l’intrigue générale. Impeccable, du grand art !
Le dessin
Comme à son habitude, Zidrou signe cette nouvelle série avec un tout jeune auteur : Alexeï Kispredilov (né à en Seine Maritime, comme son nom ne le dit pas).
Intéressé par des auteurs de BD assez « extrêmes » (Kamimura, Blutch…) Alexeï compose une mise en image très personnelle. Sur un encrage très léger qui flirte avec l’épure, il pose un camaïeux de couleurs froides (bleus principalement).
Son trait, qui peut faire penser aux storyboards de cinéma m’a surpris, voire décontenancé au tout début. Mais une fois embarqué dans le récit, je n’ai plus ressenti de gène. Comme quoi, ce ne devait pas être un frein.
Pour résumer
Entre récit haletant et critique sociale, Zidrou et Alexeï Kispredilov nous proposent un polar noir et très cynique. Humour noir, personnages déjantés et ange exterminateur sont au rendez-vous pour nous emmener dans un monde ultra libéral et gangrené par les médias. Vivement la suite !