- 29 jan 2014
- Gilles Rolland
- CRITIQUES
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Titre original : Jack Ryan : Shadow Recruit
Note:
Origine : États-Unis
Réalisateur : Kenneth Branagh
Distribution : Chris Pine, Kenneth Branagh, Keira Knightley, Kevin Costner, Colm Feore, Nonso Anozie, Karen David, David Paymer…
Genre : Thriller/Espionnage/Action/Adaptation
Date de sortie : 29 janvier 2014
Le Pitch :
Brillant analyste financier, l’ancien marine Jack Ryan se voit recruté par la CIA afin d’enquêter sur le financement occulte des groupes terroristes dans le monde. Lorsqu’il tombe sur plusieurs mouvements financiers suspects, son mentor l’envoie en Russie pour mener son enquête. Sur-place, Jack Ryan est pris pour cible, mais s’en sort de justesse. Commence pour celui qui jusqu’alors n’avait connu que le travail de bureau, un jeu de pistes à hauts risques l’opposant à un homme d’affaires bien décidé à faire sombrer le monde dans le chaos…
La Critique :
Petit retour historique : The Ryan Initiative est un reboot. Celui de la saga Jack Ryan, qui débuta en 1990, sous la direction de John McTiernan, avec À La Poursuite d’Octobre Rouge. Vinrent ensuite Jeux de Guerre, Danger Immédiat et finalement La Somme de toutes les Peurs. Alec Baldwin fut le premier Jack Ryan, Harrison Ford le second, dans deux films, et Ben Affleck le troisième. Aujourd’hui, en toute logique, Jack Ryan est plus jeune et est donc interprété par Chris Pine, un acteur principalement connu pour dominer le casting du reboot de Star Trek et de sa suite dans la peau du fameux Kirk. The Ryan Initiative entend raconter les origines du personnage en le positionnant du même coup au cœur de notre époque et de ses thématiques (la crise économique, le terrorisme…). À noter qu’il s’agit également du seul film qui n’est pas directement adapté d’un roman de Tom Clancy. Le script a totalement été inventé à partir des personnages de Clancy et ce dernier a supervisé le tout, avant de disparaître le 1er octobre 2013, sans avoir pu voir le résultat final.
Drôle de soupe donc pour une sorte d’agent secret, chargé mine de rien, de porter une potentielle nouvelle franchise vers les sommets, en concurrence directe avec le James Bond badass de Daniel Craig et l’héritage laissé par Jason Bourne.
Et autant dire que ce n’est pas gagné ! Clairement, les choses partaient du mauvais pied. À commencer par la présence de Kenneth Branagh derrière la caméra. Présent à ce poste pour rendre service suite à la défection de Jack Bender, Branagh ne semble pas à l’aise du tout. Si Thor lui avait permis mine de rien d’exprimer un tant soi peu sa verve théâtrale, là, il se calque sur un modèle préétabli et fournit un travail dénué de personnalité. C’est bien simple : rien ici ne diffère des caisses de films d’action/espionnage/thriller (rayer la mention inutile) sortis depuis les années 80. C’est correct, mais sans flamboyance. Un peu comme le film dans son ensemble d’ailleurs qui fait le minimum syndical en appliquant des recettes éculées dont certaines sont pour le coup ressuscités.
Le meilleur exemple reste le méchant, incarné justement avec une certaine truculence par Kenneth Branagh. Un méchant russe. Rien que ça c’est étonnant ! Un russe qui cherche à faire écrouler le royaume de l’Oncle Sam comme au « bon vieux temps » de la Guerre Froide où le cinéma américain opposait ses héros tout puissants à d’immondes salopards moscovites avides de destructions massives et de tortures en tout genre. En retrouvant ce schéma, The Ryan Initiative ignore à peu près tout ce qui s’est passé depuis. Dans son genre, le film peut gagner par cela un côté rigolo, mais dans l’ensemble c’est quand même franchement poussif.
Poussif car si on y réfléchit deux secondes, on s’aperçoit que The Ryan Initiative se résume à l’opposition de deux super patriotes, qui tous les deux à leur façon, flirtent avec un fanatisme aujourd’hui rarement abordé par le cinéma américain. Pas de nuances pour ce brave Jack Ryan qui aime son pays, et qui comprend tout avant tout le monde. Super balèze, Ryan est à la fois capable de retrouver un méchant perdu dans l’immensité des États-Unis, en à peine quelques minutes, puis, dans l’instant d’après, d’enfourcher une moto pour aller tabasser le dit-bad guy afin de lui faire regretter d’avoir osé ne serait-ce que penser à tenter quoi que ce soit à l’encontre des USA.
Un héros, un vrai, super intelligent, un peu tête à claque, qui se sort un véritable canon et qui se permet de tenir la dragée haute aux méchants et à ses supérieurs. Le tout sans vergogne aucune.
Un gars à la croisée des chemins de James Bond et de Sherlock Holmes interprété avec il est vrai beaucoup de motivation par un Chris Pine au taquet. Lui a le beau rôle. Tout le film tourne autour de lui. On ne peut pas en dire autant de Kevin Costner, le fameux mentor du personnage principal, que l’on fait passer pour un ignare au point de se demander comme il a pu atterrir à la tête d’une unité secrète de la CIA. Le mec ne comprend rien à rien et se qualifie même indirectement de nul, lors d’une conversation pendant laquelle Ryan lui explique le pourquoi du comment. Largué en permanence, Costner a toujours plusieurs trains de retard. La plupart du temps d’ailleurs, il n’est même pas sur le quai de la gare…
Ceci dit, la plus à plaindre reste Keira Knightley. Actrice de standing à la beauté et au charisme indiscutables, elle fait aussi partie des plus talentueuses de sa génération. Pourtant ici, elle est reléguée à la simple fonction de girlfriend du héros. Ok, à un moment elle joue son rôle dans la résolution de l’affaire mais se fait capturer juste après, histoire de nous rappeler qu’au final, elle représente davantage un poids pour ce dernier. Faire-valoir de luxe, Keira Knightley se fourvoie donc, sans que l’on sache pourquoi elle a accepté le film sans broncher. Le chèque devait probablement être conséquent.
Après tout, le budget du film culmine à 80 millions de dollars. Et vu que les scènes d’action ne sont pas des plus impressionnantes et ses résument à deux ou trois carambolages, des bastons et des fusillades, on se dit que le fric a du partir directement sur les comptes en banque des comédiens.
Pour autant, malgré son caractère profondément anecdotique et son ridicule entrainant parfois des rires déplacés car non voulus par l’intrigue, le bilan n’est pas entièrement négatif. Le rythme est bon, c’est déjà ça. On ne s’ennuie pas et les péripéties s’enchainent, reposant principalement sur un suspens certes téléphoné mais bien entretenu. Le casting est stimulant également, même si on le répète, personne à part Chris Pine ne jouit de rôles vraiment intéressants.
Forcement, à côté de James Bond, de Bourne et des autres héros plus modernes, Jack Ryan fait office de gentil outsider un peu aux fraises. Avec ses convictions d’un autre âge, il dénote et charrie avec lui un certain charme vintage. Les fans des films d’action des années 80 y trouveront peut-être matière à s’amuser. Au second degré cela va de soi…
@ Gilles Rolland