Le 7 mai 2013, le Ministère de l’Ecologie, du Développement Durable et de l’Energie commandait au Muséum National d’Histoire Naturelle une mission d'expertise collective scientifique sur “L’Ours brun dans les Pyrénées.
Extrait de la 5 ème partie : Stratégie de conservation d’une population viable d’ours bruns dans les Pyrénées
Effets de la reconstitution d’une population viable sur l’écosystème pyrénéen
i. Conséquences sur la faune sauvage des Pyrénées
Il n’existe pas d’étude spécifique sur l’impact potentiel des Ours bruns sur la faune sauvage des Pyrénées et nous pouvons seulement nous référer aux contextes similaires où des Ours bruns vivent dans des écosystèmes proches en termes de composition et de fonctionnement écologique. Les Ours bruns d’Italie centrale, des Alpes et de Slovénie/Croatie ne semblent pas avoir d’effet néfaste sur la faune locale. Bien qu’il n’y ait aucune étude spécifique étayant cette observation, une série de constats ponctuels peut être retenue comme support. Dans les Abruzzes, la population locale d’Ours bruns a survécu en l’absence de toutes les espèces de grands ongulés (cerf, chevreuil, sanglier) jusqu’aux années 70. C’est alors que cerfs et chevreuils ont été réintroduits dans les zones à ours. En dépit d’un petit nombre initial de cerfs réintroduits et de la présence simultanée de loups dans ces mêmes zones, la population de cerfs a rapidement augmenté jusqu’aux niveaux actuels de surabondance et de fortes densités. La présence de l’Ours brun n’a donc pas empêché la population de cerfs d’être viable et de s’accroître.
Une constatation similaire sur l’absence d’impact a été faite également dans le cas de la réintroduction des Ours bruns dans le Trentin. Les Ours bruns sont en effet écologiquement très flexibles et se nourrissent d’une grande variété d’aliments, incluant fourmis, baies, charognes, plantes. Dans le contexte méditerranéen, il est donc rare qu’ils chassent activement les grands ongulés.
En l’état actuel des connaissances sur la biologie de l’Ours brun, il n’y a donc pas de raisons de prédire des impacts négatifs significatifs de cette espèce sur la faune sauvage des Pyrénées.
ii. Conséquences sur la flore des Pyrénées
Comme pour la faune, on ne dispose pas d’étude scientifique qui pourrait conduire à envisager un impact de l’Ours brun sur la flore des Pyrénées. Néanmoins, en 2013, un travail préliminaire sur l’endozoochorie par l’Ours brun dans les Pyrénées a été effectué (Lalleroni 2013). Il tend à montrer que, par rapport aux grands herbivores, cette espèce permet la dispersion de nombreuses espèces de plantes sur de grandes distances dans le milieu pyrénéen.
iii. Conséquences sur les pratiques de gestion du milieu et adaptation
Cette partie n’a pas l’ambition de fournir un cadre socio-économique relatif à la présence de l’Ours brun dans les Pyrénées, le travail correspondant devant être réalisé par ailleurs par les autorités et experts compétents.
L’étendue des déplacements et la taille des domaines vitaux des Ours bruns réintroduits dans les Pyrénées sont nettement supérieures à ceux des Ours bruns non déplacés. Après une phase d’acclimatation les déplacements se réduisent (Quenette et al. 2006). Pour que la cohabitation reste possible entre l’Homme et l’Ours, quelques préconisations peuvent être faites.
D’une manière générale, il est important de poursuivre et renforcer les efforts de communication sur l’Ours brun que ce soit concernant sa biologie, les lieux ou les individus se trouvent ou encore l’attitude à avoir en cas de rencontre. Ce dernier cas reste important bien que les rencontres Hommes/Ours soient rares. En outre, les comportements à suivre peuvent différer en fonction des individus rencontrés (femelle suitée ou autre).
En effet, une étude de Quenette et al. (2011) précise qu’entre 1996 et 2010 ont été relevés 495 cas de rencontres (28,7% concernant des randonneurs, 25,4% des membres de l’équipe Ours et 17% des bergers/éleveurs).
Les observations se font le plus souvent à courte distance (< 40 m) et elles sont alors brèves (< 30 s), ou à grande distance (> 400 m) et elles sont alors de longues durées (> 30 min). Dans la grande majorité des cas (79 %), lorsqu’il détecte la présence de l’homme, l’Ours brun s’enfuit en courant ou s’éloigne en marchant. Les 4 cas d’agressivité relevés concernent une femelle accompagnée de ses oursons de l’année. Ce comportement agressif se traduit par une ou plusieurs charges d’intimidation. A chaque fois l’animal a été surpris à courte distance par une ou 2 personnes.
Concernant l’élevage, de nombreuses aides (prévention et indemnisation) sont déjà proposées aux éleveurs, il est donc nécessaire de continuer ces démarches et de persévérer sur l’acceptation de ces aides par les éleveurs. Dans ce cadre, il est important de maintenir le réseau de bergers d’appui et de techniciens en chiens de protection car il constitue une aide efficace et immédiate en cas de dégâts répétés sur certaines estives. En cas de présence et de dégâts également occasionnés par le loup, même si leur nature diffère du fait des différentes techniques de chasse des deux espèces, il faudra veiller à homogénéiser par la suite les indemnisations proposées pour les dégâts causés par les deux espèces.
Un important travail est aussi déjà effectué avec les chasseurs. Une des ecommandations serait d’harmoniser les arrêtés fixés entre les différents départements, voire de privilégier la mise en place d’une charte comme c’est le cas en Haute-Garonne et dans l’Aude. Contrairement aux arrêtés, la charte permet une certaine souplesse facilitant la cohabitation Homme/Ours, cette souplesse étant à favoriser en cas d’augmentation du nombre d’Ours bruns.
Enfin, du point de vue de la gestion forestière, un guide édité par la DREAL Midi-Pyrénées a été publié en 2011 et ces recommandations semblent à même d’assurer la cohabitation. Il serait toutefois nécessaire de mettre en place un système d’évaluation de cet outil adressé aux gestionnaires des forêts publiques et privées. Quoi qu’il en soit, on ne s'attend pas à ce que la présence d'une population d'Ours bruns exige des modifications importantes dans les méthodes actuelles de gestion des activités forestières.
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