Je n'aurais probablement pas écrit le billet ci-dessous, si les Echos de la gauchosphère ne m'avaient pas demandé de réagir à jour de colère, la manifestation réactionnaire de dimanche dernier. Sur le même thème, je signale les billets d'A gauche pour de vrai et de CuicuiNRV.
J'avoue qu'il y a des jours où je préfère faire l'autruche.
Comme dimanche. Surtout ne pas regarder, lire et écouter les informations parce que sans franchir le point Godwin, j'ai comme l'impression de voir imperceptiblement la catastrophe arriver.
Quand je parle de catastrophe, il s'agit du tremblement de terre politique qui risque de survenir quand le peuple dans un sursaut désespéré et suicidaire, ulcéré par les politiques identiques de droite (UMP) et de gauche officielle (PS), confiera son destin à l'extrême droite.
Dans bien des domaines, on ne sera pas dépaysé puisque les principes de solidarité nationale sont chaque jour bafoués, de même que les principes démocratiques. Au train où va la destruction de l'héritage de la Résistance et des droits gagnés de haute lutte par le mouvement ouvrier, il ne restera pas grand chose de la République. Pas étonnant, dès lors, que resurgissent des tréfonds de l'Histoire, les nostalgiques des vaincus d'hier.
A mesure que TINA, énième avatar du capitalisme, lamine l'héritage de la Résistance, plus le peuple est en souffrance, plus l'extrême droite se développe et plus la démocratie dite bourgeoise, faussement représentative, devient gênante. Depuis le triomphe du NON au TCE, la classe dirigeante se garde bien de consulter le peuple sur des questions qui touchent à ses droits essentiels : traité de Lisbonne, MES, TSCG, Six et two packs...
Depuis que TINA est devenue la norme, le débat démocratique est amputé, il ne porte que sur la délinquance, l'immigration, l'identité nationale, la religion ou la laïcité, soit autant de thèmes qui, en temps de crise, alimentent les délires de groupuscules réactionnaires qui n'ont pour programme que la haine de l'autre - syndicaliste, juif, musulman, immigré, pauvre.
Ainsi, pendant que la quenelle mobilise les médias et les politiques de l'idéologie dominante, le débat politique ignore le Grand marché transatlantique qui consacrera la dictature des marchés dominés par les multinationales, les fonds de pensions et les investisseurs institutionnels. Les partis politiques de l'idéologie dominante n'ont nullement l'intention d'informer et de passer par un référendum, comme si le peuple était déjà réduit à la condition de sujet, privé de sa citoyenneté pour légiférer et réglementer...
Dans ces conditions, les politiques néolibérales offrent un boulevard au Front National qui s'est même payé le luxe de ne pas participer à la manifestation de dimanche. Malgré les divergences, les manifestants de dimanche apporteront leurs voix au FN le moment venu. Ce dernier ne s'affiche pas avec eux parce qu'il poursuit son entreprise de relooking pour séduire les gogos et les désespérés qui hésitent entre l'abstention ou le vote FN par dépit.
Aujourd'hui, hormis ceux qui s'en sortent socialement et les naïfs qui boufferaient de la merde en affirmant que c'est du caviar si Sarkozy ou Hollande l'affirment, plus personne n'est dupe de cette politique conduite successivement par des marionnettes aux noms de Chirac, Sarkozy, Hollande. Tout le monde se rend compte, quoi qu'en disent les gouvernants avec leur novlangue, que les politiques de l'offre ne peuvent créer que plus de chômeurs, plus d'inégalités sociales, plus de pauvreté et plus de reproduction sociale.
Le système capitaliste néolibéral se durcit pour détruire les droits qui le rendaient moins inhumain parce qu'il ne rencontre plus un minimum d'adhésion populaire. Le bilan des politiques néolibérales - que chacun peut mesurer - demeure très éloigné des objectifs officiels - réduction de la dette, baisse du chômage - quoi qu'en disent les gouvernants et les médias dominants. Les forces dominantes savent qu'elles auront besoin de serrer constamment la vis pour imposer toujours plus de sacrifices au peuple.
Même si aucun mouvement politique ou syndicaliste anticapitaliste n'a atteint une puissance militante ou électorale critique, susceptible de faire vaciller le système capitaliste, et même si la machine à propagande et à décerveler fonctionne à plein régime, le patronat et la classe oligarchique préparent l'avenir en soutenant des forces ultra-réactionnaires au cas où...
Il faut avoir d'énormes moyens financiers dont ne disposent pas les groupuscules d'extrême droite qui défilaient dimanche pour organiser une manifestation nationale, acheminer les manifestants dans la capitale et imprimer massivement tracts et affiches.
Qui a financé Jour de colère ?
A priori, l'oligarchie et la frange la plus réactionnaire du patronat ont généreusement mis la main au portefeuille parce qu'il en va de leur intérêt de soutenir des forces réactionnaires qui affronteront le mouvement social, le jour où les partis de l'idéologie dominante seront totalement discrédités.
Mais finalement, peut-être suis-je enfermé dans un vieux schéma ?
Après tout, le système capitaliste dans sa version néo ou social-libérale transforme la France de la Vème république et toute l'UE à l'image des USA. L'UMP et le PS jouent les rôles du parti conservateur et du parti démocrate, ne s'affrontant plus frontalement que sur les questions sociétales puisque ces partis défendent les dogmes de l'idéologie dominante. Avec l'aide active des médias dominants, la droite va se droitiser sur le sociétal, le FN jouant le rôle du Tea Party, tandis que le PS se droitisera sur les questions économiques et sociales en jouant à fond la carte humaniste sur le sociétal pour cliver le débat et ne pas laisser une autre force de gauche prendre l'espace.
Aussi, peut-être nous acheminons-nous vers une démocratie sociétale avec les thèmes récurrents du racisme, de la religion, de l'IVG, du droit des femmes, du droit au mariage pour tous... qui sont ceux de l'extrême droite ? Une démocratie amputée des questions économiques et sociales où régneront maîtres absolus la finance et l'oligarchie grâce à TINA.