David Toutain par Corinne Vilder
: cuisine banale
: cuisine d’un bon niveau
: cuisine intéressante et gourmande
: cuisine de haut niveau… à tous les niveaux
: cuisine exceptionnelle
Dans cet environnement apprivoisé par une clientèle sage très « germanopratin » David Toutain semble suivre les modes, les tocs et les trucs déjà fatigués de la planète cuisine. Le choix imposé du menu que justement l’on ne choisit pas sauf en déclinant ses allergies et ses contre-indications. C’est risqué et pas franchement agréable d’être contraint au service « à l’aveugle ». Déjà que les sommeliers s’y collent pour faire les intéressants ! En salle, les recommandations vont bon train car « il faut faire confiance au chef » qui a adopté pour antienne : « Tous les goûts sont dans la Nature ».
En amuse-bouches : chips de crabe et pointes à l’avocat, taille de la chips minimaliste pour ne pas faire trop asiatique et Salsifis séchés (un peu rabougris) façon dip à tremper dans une crème de panai et chocolat blanc. Expérience muséeographique tendance guerre du feu ou cri primal qui ne sera pas la dernière.
Laitue de mer, coques et couteau : un plat « bouchée » en deux services, une évocation subtile et intéressante des saveurs iodées et du craquant d’un légume même si ce dernier est servi glacé. Trop indiscutablement. Puis vient le bouillon à base des coquillages pour ramasser les sucs. Malheureusement, il n’est pas servi assez chaud et prend des allures d’eau tiède oubliée au coin du feu.Tiens, voilà l’œuf à basse température accompagné de verveine et d’ail nouveau. Une belle entrée subtile à la cuisson parfaite. La verveine en gimmick ne gâche rien au plaisir. La bonne humeur est presque de retour.
Un nouveau set avec la mousse de persil, croustillant de persil, le velouté préparé avec la tige : un total look accompagné d’un consommé d’oignons doux. Un petit plat passardien mais en plus sucré et beaucoup trop maniéré.
Bonite, jus de carotte, radis blanc et radis noir. Le choix même de ce poisson laisse pantois tellement il est en voie d’extinction. Nonobstant, le plat manque de chaleur émotionnelle et les saveurs du gril ne suffisent pas à donner un bel élan à l’ensemble.
Anguille fumée, mousse de sésame noir et dès de pomme Granny-Smith. Le plat a été conçu pour préparer le palais à la viande qui va suivre. Pour apporter du gras ? Pour patiner les papilles ? Pour d’autres raisons, le choix
de l’anguille fumée interroge. Certes, il faut bousculer son train train quotidien mais au point de se faire violence avec un poisson peu amène. Bref, avec la crème de sésame noir en plus, on broie du noir.Passé l’examen de conscience demandé par le service en salle, très « Toutain church », l’agneau accompagné de légumes racines et d’une verdure recouverte un fromage fondu s’inscrit dans le même sillage de l’épure dogmatique du lieu. On se met à penser au David Toutain de l’Agapé Substance à ses jus de viande diaboliques, à ses accords renversants d’audace, de chaleur et de punch. Mais là où il y avait la passion du feu, il ne reste que le miroir.
Les desserts du jour : Crème de chocolat blanc vanillée, chou fleur et glace coco puis, pour clore le repas, Glace de topinambour, topinambour au pralin et chips de topinambour. La boucle aurait pu (dû) s’inverser mais elle s’est bouclée ainsi. Puisque tous les goûts sont la nature…
David Toutain29, rue Surcouf
75007 Paris
Tél. :01 45 51 11 10
www.davidtoutain.com
M° : Invalides ou La Tour Maubourg
Menus
Berce : 42 € (entrée, plat, dessert) uniquement au déjeuner.
Polypode : 68 €, carte blanche et 118 € accords mets et vins
Reine des Près : 98 € carte blanche et 158 € accords mets et vins
Vin au verre : 8/10/12 €