12 Years a Slave

Par Cbth @CBTHblog

Je ne suis généralement pas fan des films à Oscars. Ce genre de films à la connotation mélodramatique, dont on sait à l’avance qu’ils vont nous arracher des larmes, qui reposent souvent sur une histoire vraie et sur la prestation forcément exceptionnelle du comédien principal. Sur le papier, 12 years a slave a tout pour rentrer dans cette catégorie. Tout donc pour que je n’ai pas envie d’aller le voir. C’était sans compter sur une bande annonce ultra efficace et un sujet ultra original. Certains diront que la présence de Michael Fassbender et surtout de Benedict Cumberbatch au casting aura grandement influencé mon envie d’aller voir le film. Ce ne sont que de vilains médisants (mais qui pourrait cracher sur la présence de ces deux beaux gosses mais surtout excellents comédiens ?).

 12 years a slave est donc un film inspiré de l’histoire de Solomon Northup. Solomon est le fils d’un esclave affranchi. Il est né libre, est marié, père de deux enfants. Alors que sa femme cuisinière part souvent travailler dans une autre ville, Solomon gagne sa vie en jouant du violon. Jusqu’au jour où il accepte de suivre deux membres d’un cirque pour une tournée de deux semaines à Washington. Au lieu d’une tournée, il se retrouve drogué et ligoté, prêt à être vendu comme esclave. L’enfer va alors commencer pour lui, qui a connu la liberté. Au lieu de vivre, il va devoir se contenter de survivre, traité comme un simple meuble, au sens juridique du terme (oui, on est juriste ou on ne l’est pas), passant de propriétaire en propriétaire.

Au-delà de l’histoire de Solomon, le film revient sur le traitement des esclaves à cette époque. On oublie trop facilement l’horreur que l’esclavage a représenté. En France, alors que la même chose s’est produite notamment dans les Antilles, la question est à peine abordée en cours (je n’ai même pas souvenir d’avoir abordé le sujet, hormis quelques vagues mots en fac de droit, et encore. Peut-être cela-a-t-il changé? ). Aux Etats-unis, la question est beaucoup plus abordée dans la mesure où le pays s’est construit sur cet héritage esclavagiste. Il n’empêche que le sujet a donné lieu à peu de films efficaces sur la question (d’ailleurs si vous avez des suggestions sur la question, n’hésitez pas à le mettre dans les commentaires). Sur ce point, 12 years a slave se révèle particulièrement efficace et percutant, nous rappelant que le cinéma doit aussi être politique. Il est impossible de quitter la salle de cinéma sans se sentir soi-même violenté. La réalité de l’esclavage est montrée de façon très crue. On n’échappe pas aux coups de fouets montrés réellement, avec les lambeaux de chairs se détachant du dos de ces pauvres esclaves, projettant des milliers de gouttes de sang. Les cris résonnent encore dans ma tête et certaines scènes de pendaison m’ont rappelé la cruauté de la chanson Strange fruits de Billie Hollyday. Je n’ai aucun souci en temps normal avec la violence, mais j’ai dû me cacher les yeux, voire me boucher les oreilles à plusieurs reprises. Pour autant, cette violence n’est pas gratuite, elle est essentielle, voire salutaire car elle fait de 12 years a slave un film qu’on ne peut pas oublier, ancrant ces émotions au plus profond de nous.

Néanmoins, le film ne se contente pas de porter un propos, il nous raconte aussi une belle histoire. Une histoire pleine de nuances. Les personnages ne sont pas bons ou mauvais (enfin si, il y a quand même de vrais méchants),y compris le héros. On aimerait le voir resister plus, s’opposer, mais pour survivre, il abandonne ce qu’il est. Et au fond, cette histoire de perdre tout ce qu’on a et essayer de remonter la pente, c’est une histoire universelle. Et ça, ça participe à faire de 12 years a slave un bon film avec un contenu et une histoire.

Comme tout bon film à Oscar, 12 Years a slave est porté par un casting exceptionnel à commencer par Chiwetel Ejiofor qui incarne Solomon. Il est évidemment nommé aux oscars pour le meilleur acteur. Malgré sa prestation parfaite, je doute qu’il reparte avec la statuette (#TeamLeo de mon côté). Le rôle lui permet quelques jolies nuances de jeu mais majoritairement guidées par les mêmes émotions : la colère et la douleur (physique comme morale). Je vais probablement m’attirer les foudres de beaucoup, mais je crois que ce genre de rôle est extrêmement facile à jouer. Attention, je ne nie pas le talent de Chiwetel Ejiofor, mais il est très facile de jouer un personnage guidé par une seule émotion plutôt qu’un personnage rongé par plusieurs émotions, parfois en même temps. Sur ce point, je trouve que les seconds rôles sont beaucoup plus percutants, à commencer par Edwin Epps incarné par un Michael Fassbender absolument génial et très borderline. Il faut dire que le rôle (comme souvent les rôles de méchants) permet justement beaucoup plus de nuances notamment grâce à sa relation avec Patsey (magnifiquement incarnée par Lupita Nyong’o). Evidemment la fangirl de Cumberbatch ne pouvait pas ne pas dire un mot à son sujet. Il est évidemment impeccable.

Seul point noir de ce film : la réalisation que j’ai trouvée un peu brouillonne. L’esthétisme de l’image est parfaite. L’alternance de scènes ultra violentes et denses avec des scènes très lentes de contemplation renforce le sentiment de brutalité de l’esclavage. Le souci vient du manque de lien entre les scènes. Le passage de l’une à l’autre est souvent brusque et sans logique. Pire, lors d’une scène où Solomon joue du violon, une musique qui n’a rien à voir commence à se faire entendre créant une cacophonie insupportable. J’ai d’abord cru qu’un hélicoptère se posait sur le toit du cinéma avant de comprendre que c’était le film qui faisait ce bruit horrible. Et puis il y a cette scène de début, dans le dortoir que je n’ai vraiment pas comprise (si quelqu’un veut m’expliquer son intérêt, qu’il n’hésite pas).

Au final, 12 years a slave est un film percutant, violent, essentiel, peut être un peu surévalué dans sa qualité mais un film à voir absolument.

Mélanie