La récente décision de report de la Commission européenne ne fait que constater un état de fait déjà connu : beaucoup d’acteurs ne sont pas prêts pour le 1er février 2014.
Une situation critique à tous les niveaux
Bien que la situation des PME et TPE en Europe soit particulièrement source d’inquiétude, les grandes entreprises, les banques et les institutions publiques sont loin d’être dans une situation idéale.
Du coté des entreprises, il apparait très clairement qu’une grande majorité d’entre elles ont pris le pari de migrer vers SEPA très tardivement en 2013 voire début 2014. Ceci traduit le fait que cette migration a été trop souvent perçue comme un changement technique alors qu’elle impacte, en pratique, de nombreux pans de l’organisation, notamment lorsqu’il s’agit de gérer des mandats de prélèvement.
Virement SCT
La situation au niveau des virements semble moins sujette à inquiétude. Même si de nombreuses transactions doivent encore être migrées vers SEPA, les changements nécessaires sont plus faciles à mettre en Ĺ“uvre que pour les prélèvements.
Les risques d’erreur sont néanmoins présents, la migration des numéros de compte vers le format IBAN n’étant pas sans risque et le lancement des nouveaux formats de virement pouvant rapidement devenir une source d’erreur.
De grandes sociétés et même des banques en ont récemment fait les frais. L’exemple le plus flagrant émane du Crédit Agricole lors du versement des subventions PAC aux agriculteurs. Les bénéficiaires se sont vu verser deux fois leur indemnité ! Le montant à récupérer pour la banque s’est élevé à 3,4 milliards d’euros.
Prélèvement SDD
L’urgence se faisant très clairement sentir au niveau des prélèvements nous assistons actuellement à un sursaut des volumes de prélèvements traités au format SEPA : depuis trois mois leur nombre a presque doublé mensuellement.
En France les acteurs semblent, enfin avoir démarré leur passage à SEPA et la proportion des prélèvements SEPA se rapprochait des 20% durant le dernier trimestre de l’année 2013.
Néanmoins, sur ce pan aussi les acteurs ne sont pas à l’abri d’erreurs. American Express a par exemple fait l’objet du mécontentement de ses clients qui ont vu leur carte bloquée, faute d’avoir été prélevés du montant de leurs dépenses dans les délais.
Au vu de la migration tardive d’un grand nombre d’entreprises et des goulots d’étranglement qui se forment au niveau des prestataires de paiement comme au niveau des éditeurs de progiciels, les mois qui viennent vont encore apporter leur lot d’erreurs liées à la migration SEPA et de clients mécontents.
L’enfer des « R »
Les transactions « R » qui regroupent les transactions de rejet et remboursement possibles d’un prélèvement ou d’un virement SEPA offrent au consommateur une protection renforcée. Ceci est principalement vrai pour les prélèvements, où le consommateur dispose de 8 semaines pour obtenir, sans justification, le remboursement automatique d’un prélèvement contesté et de 13 mois dans le cas où le prélèvement n’a pas été effectué dans le cadre d’un « mandat » valide.
Néanmoins, ces transactions R et leur subtilité technique (construction des messages XML, code opération et délai à respecter notamment) sont des nouveautés pour la place et n’ont été que peu éprouvées à ce jour au vu du faible volume de transactions conformes à SEPA. Leur nombre est donc amener à croitre rapidement et le manque de préparation des différents acteurs laissent présager de nombreux problèmes dans le traitement de ces messages tout au long de la chaine. Le passage forcé à SEPA dans l’urgence de bon nombre d’entreprises risque en effet de provoquer de nombreuses transactions R qui seront à leur tour l’objet de problèmes, notamment dus aux chaines de traitement, peu éprouvées jusqu’ici.
La réaction de la Commission européenne face à ce chaos annoncé a beau être jugée contre-productive par certain acteurs (notamment les banques qui doivent faire retour arrière dans le décommissionnement des moyens de paiement nationaux), elle n’en est pas moins nécessaire afin de réduire le nombre de problèmes auxquels vont être confrontés consommateurs, entreprises et prestataires de paiements ; et du risque de grippage de l’économie. Il est clair que bon nombre de ces problèmes ne pourront être évités, mais la possibilité laissée aux acteurs de continuer à utiliser les anciens formats nationaux devrait permettre un lissage dans le temps des migrations et donc un possible étalement voire une diminution des erreurs de migration.
Néanmoins, l’urgence est de mise pour les 60% des prélèvements et les 30% de virements restant à migrer au niveau européen. Il est, en effet, peu probable que l’Europe accorde un nouveau répit aux retardataires et le risque de voir des perturbations majeures apparaitre sur le marché des paiements le 1er aout 2014 reste bien réel.
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