En avoir plein son casque et tirer sua’ plogue le temps de se ressourcer un peu. C’est ce que propose Serge Fortin avec son troisième album solo Gaspille une nuit. À l’écoute de son « lui-même », il fait débouler dix chansons sans filtres, épurées et connectées directement sur ses tripes. Reprenant, entre autres, La pêche à la ligne de Renaud et Je pense à toi comme je t’aime de Diane Tell, Fortin démontre son attachement aux gens et la nécessité de collaborer face à face avec les humains qui nous entourent. FAV l’a rencontré à son lancement.
Quelles sont les inspirations à l’origine de ce nouvel album?
Je suis parti du concept du gars qui est en ville, dans le brouhaha, les klaxons, la vie stressante, la vitesse. Il veut quand même changer le monde. Il donne à Centraide, aux quêteux, aux handicapés. C’est un gars ordinaire qui fait du développement durable, il est contre les guerres, il écoute les nouvelles en continu et il sait que ça n’a pas de bon sens. Il va chercher ses enfants à la garderie, paye ses factures et fait son marché. Il réalise qu’il peut changer le monde, mais il ne le changera pas parce qu’il en fait partie.
Comme il a besoin d’un break, il s’en va dans le bois, au bout d’un quai. Il abandonne son téléphone, sa technologie. Il a sa canne à pêche et une petite bière et il écoute la nature, avec comme seul son, un feu qui crépite. Quand on prend ce temps-là pour se ressourcer, on a envie de faire l’amour, de rire, de partager, de souper avec nos amis, mais quand on est dans le brouhaha on ne pense pas à ça. Avec Facebook et tous les autres machins, tu manges avec un ami, mais tu regardes la vie d’un autre ami sur tes appareils en même temps. Le lien avec la personne n’est pas le même.
Tu puises également tes idées d’un colonisateur abitibien, Hauris Lalancette. Pourquoi lui?
En 1930, il y a eu un genre de retour à la terre. Les gens ont préparé la terre dans les régions du Québec. Ce côté-là de la vie, de revenir aux sources, au vrai, je le vis à travers l’album. J’ai été mis au courant de l’existence de cet homme-là par les films de Pierre Perrault. Des documentaires ont rapporté l’histoire de ces personnes-là qui sont parties de rien pour tout construire. Dans les années 70, lorsque Hauris racontait son point de vue, il avait déjà la vérité. Ce qui me fascine, c’est à quel point, sa vérité, 40 ans plus tard, est toujours d’actualité.
C’est pour cette raison que tu as décidé d’y aller avec un son brut, sans artifices sur l’album?
On n’est vraiment pas dans « la saveur du jour » dans la création de cet album. Je voulais travailler avec des humains. On n’utilise pas de programmeur. On fait un album folk avec des musiciens qui jouent ensemble, comme ça se faisait autrefois. Un album de Johnny Cash ou d’Elvis, ça se faisait comme ça. Il y a d’autres façons de faire de l’art, que je respecte totalement. Je ne juge pas ceux qui utilisent les ordinateurs, mais moi, ce que je veux qu’on entende sur l’album, c’est le travail d’humains qui ont travaillé les yeux dans les yeux.
En quoi cet album est différent des précédents?
Je ne pense pas avoir fait de gaffes dans mes autres albums. Je suis évolutif dans ce que je fais, mais je ne pense pas avoir été à côté de la track. La façon de faire a changé. Cette fois-ci, j’ai lâché mon fou. Ça ne me dérange plus d’avoir des propos qui peuvent déranger les autres. Je n’ai jamais eu peur des chansons d’amour. Je n’ai pas peur de rire, d’être en criss, ni d’être en amour et on le sent dans mes tounes.
Avec des chansons d’amour, tu n’as pas peut d’être quétaine?
Je men criss d’être quétaine. Y’a tout le temps quelqu’un quelque part qui va te trouver quétaine de toute façon. Il faut écrire ce qu’on a envie d’écrire.
Certaines pièces parlent de solitude. As-tu l’impression d’avoir fait un album triste?
Le samedi matin, le samedi soir et le dimanche après-midi, t’es pas la même personne. Tu n’es pas toujours pareil. Ça serait fatiguant quelqu’un de toujours heureux ou de toujours malheureux. Cet album n’est pas triste, mais est représentatif de toutes les personnalités que tu peux avoir. Je suis revendicateur, loufoque, pensif, mais pas triste.
Quels artistes t’aident à progresser?
J’ai un mentor qui s’appelle Richard Desjardins. C’est le druide de la poésie musicale au Québec et il y a le village gaulois autour. En général, la musique que j’écoute, c’est comme les humeurs. Quand je me prépare à souper, je n’écoute pas la même musique que quand je fais mon ménage, quand je marche, quand je me lève, quand je fais mon épicerie. Un artiste que j’adore pourrait facilement me taper sur les nerfs si je ne l’écoute pas dans la bonne atmosphère. Et je ne me débarrasse jamais de mes vieilles musiques. C’est comme des paires de jeans, elles finissent toujours par revenir à la mode.
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Gaspille une nuit, paru sous Tuta Music, est disponible maintenant.