En dépit de l'effet de mode qui entoure les « big data », les initiatives concrètes restent encore rares, souvent par excès de prudence face aux craintes qu'elles inspirent. Mais les entreprises concernées – dont, en particulier, les institutions financières – mesurent-elles vraiment toutes les conséquences de leur choix ?
Un nouveau livre blanc de l'association internationale ISACA propose, en quelques pages, de poser objectivement les données du problème afin d'aider les organisations à prendre des décisions éclairées. L'une des principales thèses développées dans ce document est un encouragement à adopter une vision holistique du sujet, intégrant notamment une évaluation des implications que peut avoir pour la compétitivité de l'entreprise le refus des nouvelles approches de l'analyse de données.
En effet, le sujet est souvent abordé selon 2 dimensions réductrices : d'une part, les risques techniques et opérationnels associés aux « big data » et, d'autre part, les bénéfices « métier » qui peuvent en être tirés. Les premiers sont relativement faciles à mettre en évidence et les spécialistes des technologies ne manquent pas de lever moult alertes sur les dangers d'une accumulation et d'une concentration de données plus ou moins sensibles, en termes de sécurité, de gestion de réputation…
A l'opposé, la valeur potentielle est plus difficile à évaluer, surtout lorsqu'il faut constituer un dossier économique pour un projet. Si on ajoute à ces incertitudes la méfiance qu'induit naturellement le battage médiatique autour des « big data », la balance a vite fait de pencher en faveur du statu quo. C'est alors que d'autres critères doivent entrer en jeu, car, dans l'hypothèse où l'entreprise ne fait rien pendant que ses concurrentes investissent massivement, l'impact doit aussi être soigneusement étudié.
L'ISACA ne suggère pas pour autant de se précipiter sans préparation et tente au contraire d'inciter les décideurs à bien peser le pour et le contre. D'un côté, ce sont de nouvelles opportunités qui se dégagent (par exemple dans l'amélioration de l'efficacité des actions de marketing), souvent accessibles à partir d'informations disponibles dans l'entreprise (toutes les données collectées de longue date et jusque là inutilisées) et prêtes à être concrétisées par des équipes spécialisées déjà présentes.
Revers de la médaille, les obstacles ne peuvent être ignorés. Ils se répartissent sur 3 plans : les talents, les processus et les technologies. L'expertise requise pour exploiter les « big data » est aujourd'hui rare et coûteuse, tandis que les compétences de BI (Business Intelligence) actuelles ne suffisent pas toujours… Les organisations en silo et les rejets individuels sont des freins majeurs à l'extraction de valeur. Les données utilisables ne sont pas toujours faciles à identifier (surtout avec les pratiques de « Shadow IT » : mise en place de solutions informatiques locales, en dehors de toute gouvernance centralisée)…
Estimer l'impact de chacun de ces facteurs, envisager les remèdes possibles aux handicaps de l'entreprise, quantifier les bénéfices espérés, évaluer les risques opérationnels engendrés (dont il ne faut pas oublier qu'ils peuvent eux-mêmes être mieux gérés grâce aux « big data »), déterminer les conséquences d'un non engagement… voilà donc quelques-unes des tâches essentielles à réaliser avant de lancer une initiative. Qui, au final, a toutes les chances de s'avérer inévitable…