Eux sur la photo – Hélène Gestern

Par Theoma

Une petite annonce dans un journal comme une bouteille à la mer. Hélène cherche la vérité sur sa mère, morte lorsqu’elle avait trois ans. Ses indices : deux noms et une photographie retrouvée dans des papiers de famille, qui montre une jeune femme heureuse et insouciante, entourée de deux hommes qu’Hélène ne connaît pas. Une réponse arrive : Stéphane, un scientifique vivant en Angleterre, a reconnu son père. Commence alors une longue correspondance, parsemée d’indices, d’abord ténus, puis plus troublants. Patiemment, Hélène et Stéphane remontent le temps, dépouillant leurs archives familiales, scrutant des photographies, cherchant dans leur mémoire. Peu à peu, les histoires se recoupent, se répondent, formant un récit différent de ce qu’on leur avait dit. Et leurs découvertes, inattendues, questionnent à leur tour le regard qu’ils portaient sur leur famille, leur enfance, leur propre vie.

Il ne faut pas, non plus, se fier aux apparences avec les romans épistolaires. D'aucuns pourraient les croire faciles ou légers alors qu'il n'en est rien. En choisissant ce style, l'auteur doit être capable de transmettre l'intégralité des couleurs des personnages sans que le lecteur soit gagné par la lassitude.

Comme c'est un style que j'affectionne, il m'est difficile de résister à tel roman. J'ai succombé facilement au charme de l'écriture d'Hélène Gestern, fluide et sensible. Par petites touches, l'auteure peint le tableau de plusieurs couples déchirés par les secrets. J'ai aimé découvrir ces fils qui, au fil des pages, se tissent, se nouent, s'emmêlent, et se dénouent.

Le poids des secrets, les schémas qui se répètent, l'histoire que l'on accepte de porter, la recherche de son identité, la douleur de la dissimulation, les fêlures familiales, les liens que l'on coupent pour pouvoir avancer. Eux sur la photo est un premier roman réussi empli de douceur et de bienveillance. Unique bémol à cette jolie découverte : le vouvoiement des personnages qui perdure au-delà du crédible. A 40 ans, à part Jacques et Bernadette, qui se vouvoie encore après avoir fait l'amour ?

Arléa, 300 pages, 2013

Extraits

«  Oui, il est insupportable de ne pas savoir ; ce silence familial est un poison qui contamine tout ce qu’il touche, nos rêves, nos peurs, nos vies d’adultes. Et il finit par nous replier autour de de nos questions trente ou quarante ans après. »

« Vous me demandez qui va se souvenir de nous. Je vous dirais volontiers que c'est d'abord à nous de nous en soucier. De recréer un présent qui nous appartiendra et que nous ne nous disputerons pas les morts. Nous sommes poussés en avant, c'est vrai. Mais d'un même mouvement, cette fois. »

De nombreux avis chez Babelio