Hier, j’ai rédigé un article sur le courage des Ukrainiens face au pouvoir anti démocratique et au contrôle insupportable de V. Poutine sur toute la Russie et les autres pays soit disant indépendants avec lesquels, soit Poutine a des contrats, soit il exploite les ressources naturelles.
Le courage de ces hommes et de ces femmes est extraordinaire, ils font face à des soldats en armes, expérimentés, entrainés à l’art de torturer et de tuer et face à eux, des jeunes idéalistes, des vieux déçus, des hommes et des femmes qui rêvent de liberté, portant des casques de motos, des cagoules, des équipements de foot ou de Hockey lorsqu’il en ont, alors que la police en formation romaine, charge avec des matraques, des armes de point des bombes lacrymogène, ils ont face à eux des courageux qui leur lancent des slogans et des cailloux.
Mais est-ce vraiment la solution ?
En 1789, nous avons fait une révolution en France et instauré une démocratie qui est en réalité devenue une autocratie contrôlée par des partis politiques qui se partagent le pouvoir au détriment du peuple, rien n’a véritablement changé et d’avoir fait couper toutes ces têtes n’a strictement servi à rien.
Ainsi, à force d’oppression et de massacre populaire par les Tsar, le peuple russe a embrassé le communisme et s’est révolté, mais cette révolte a débouché sur une autre dictature et le peuple n’y a rien gagné, il a juste remplacé un tyran par un autre.
Je ne discute pas le bien fondé d’une telle révolution populaire, elle est au contraire nécessaire, mais la violence ne l’est pas. La violence est le moyen que l’oppression utilise pour contrôler les révoltés, mais on peut être révolté pacifiquement et beaucoup plus dangereux.
Le poète hongrois Gyula Obersowsky était un ami de mon père, il a passé la moitié de sa vie dans les prisons communistes pour avoir exprimé ses idées sur le pouvoir d’oppression face à des hommes comme Poutine, il a été considéré comme un salaud, un révolutionnaire par les communistes, comme mon père, tous deux étaient des parias ainsi que des milliers d’autres qui ont survécu à Budapest 1956, et puis, le mur de Berlin est tombé en 1989 et la Hongrie à suivi, plus tard, ces hommes maudits ont été rappelé en Hongrie pour leur livrer tous les honneurs, mon père est revenu amer de cette invitation à Budapest, à son retour, il m’a tendu une médaille et m’a dit :
- Regarde…
- Qu’est-ce que c’est ?
- Ma réhabilitation…
- Ta réhabilitation ?
- Hier j’étais un salaud pendant 50 ans, et aujourd’hui, je suis un héro…
C’était pathétique, forcé d’avoir quitté la Hongrie pour ne pas être exécuté par les communistes et la police politique, il était, 50 ans plus tard, rappelé en Héros ? Il n’a jamais supporté cet exil forcé, combien de fois ai-je assisté à sa tristesse dans mon enfance, combien de nuits avons nous passé ensemble à parler, à pleurer sur des souvenirs tragiques, dramatiques, parfois drôles, mais si rarement, que de tristesse pour cet homme courageux qui ne méritait pas de souffrir autant, une souffrance causée par les mêmes qui détruisent le peuple Ukrainien aujourd’hui, et lorsque je les regarde, ces jeunes courageux, c'est mon père que je vois.
Son ami Gyula a refusé de fuir en 1956, il était journaliste, son devoir était de raconter la vérité, mais à quel prix, il a fait de la prison durant plus de 20 ans, il a été en résidence surveillée mais il n’a jamais cessé d’écrire. Finalement, il a pu quitter le pays pour venir en France visiter mon père dans les années 2 000. J’ignore qui de mon père ou de Gyula tenait absolument à me voir, mais mon père me l’a présenté et me l’a amené chez moi, c’était il y a plus de dix ans.
Gyula Obersowsky est devenu mon second père en un instant, et je suis devenu son fils tout aussi rapidement. Je me souviens lui avoir offert des paquets de Thé et des tablettes de chocolat que j’avais acheté en prévision, je sais qu’il en manquait, il était très touché, il m’a embrassé et m’a serré dans ses bras, j’avais les larmes aux yeux, je ne comprenais pas, on se connaissait à peine, et moi, j’avais honte d’être face à ces deux grands hommes qui avaient tant souffert et qui riaient en se racontant des souvenirs et en se lisant des poèmes. Je ne pus m’empêcher de regarder la main de Gyula, pauvre main, toute tordue et usée et Je n’oublierais jamais ce qu’il m’a dit lorsqu’il me parla de ses années d’emprisonnement dans les geôles communistes :
- Tu vois mon fils, ils ont essayé de me briser, ils m’ont brisé le corps à coups de matraque, à coups de pied, à coups de poing, ils m’ont même brisé les doigts pour que je n’écrive plus, mais je leur répondais, vous pouvez briser tous les os de mon corps, vous ne briserez jamais mon âme…
« …vous pouvez briser tous les os de mon corps, vous ne briserez jamais mon âme… »
Je n’ai jamais oublié cette phrase, comme je n’ai jamais oublié mon père, comme je n’ai jamais oublié Gyula, ils ne souffrent plus aujourd’hui, mais ils sont là, tous les jours devant moi, en photos, seules témoins de cette après-midi d’été, ils m’accompagnent dans chacun de mes mots, de mes poèmes, de mes histoires, ils sont là, les deux plus merveilleux pères que je n’ai plus ; et si c’est un grand vide pour moi, c’est un grand vide pour l’humanité, pour ces jeunes révoltés qui devraient être à l’écoute de ces hommes qui connaissent bien ceux qu’ils affrontent aujourd’hui ; et qui devraient comprendre que la violence ne sert que les intérêts de ces oppresseurs pour voter d’autres lois contre le peuple, des impôts pour le clouer sur place, des augmentations des denrées alimentaires, énergétiques pour l’empêcher de réfléchir, alors, en Ukraine, il faut prendre le problème autrement, c’est inévitable.
Les ukrainiens aujourd’hui ont aussi cette force, mais ils ne doivent plus subir les violences qu’ont subit nos pères, ils doivent développer d’autres méthodes, moins violentes, mais plus efficaces avec l’aide d'outils de communication modernes.
Les Ukrainiens, les Thaïlandais, les Syriens, - pour eux, il est trop tard, la transformation est en marche vers une Syrie islamiste, mais pas démocratique, jamais démocratique - doivent comprendre, que la violence engendre la violence.
Si nous pouvions communiquer ce message aux Ukrainiens, je leur dirais de rentrer chez eux, d’embrasser leur femme et leurs enfants, leurs parents, je leur dirais vous pouvez être plus efficace en refusant de collaborer au système, en refusant d’aller travailler, en refusant de payer vos impôts et d’accepter l’oppression imposée et cela, pacifiquement
Si le peuple refuse de payer les services publics, les impôts, les taxes, s’il refuse d’aller travailler, de ne plus prendre la voiture et donc de ne plus consommer d’essence, le peuple paralysera le système et donc le pays. En refusant de nourrir le système, qui paiera les policiers, l’armée ? Le peuple par son refus d’accepter pacifiquement le système poussera l’armée à aller dans son sens, car ces militaires, ces policiers seront dans l’exacte même situation, alors, auront-ils encore la reconnaissance du porte-monnaie ?
Si le peuple paralyse pacifiquement l’Ukraine, là est seulement là, il peut gagner, mais, s’ils continuent à affronter des soldats et des policiers entrainés à tuer, ils perdront, comme ont perdu les polonais, les Hongrois, les Tchèques, les Syriens, les Égyptiens… on ne gagne rien dans et par la violence.
En 1989, un étudiant chinois s’est tenu face à une colonne de 17 chars sur la place Tian-Anmen (Place de la Porte de la Paix Céleste) à Pékin, en les empêchant d’avancer, cette scène a marqué la conscience chinoise pour l’éternité, ce jeune homme a été le point de départ d’une révolution passive et non violente dans le monde. Elle est encore en mouvement aujourd’hui, cette révolution pacifique en Chine ; bien sûr le gouvernement Chinois a exécuté ce symbole trop subversif, bien sûr, c’est insupportable, mais personne en Chine et dans le reste du monde n’a oublié ce courageux étudiant qui a stoppé 17 chars en se tenant debout, les bras le long du corps.
Alors cette révolution en Ukraine, il faut la faire autrement, Edward Snowden a commencé à sa façon en disant non, en disant qu’il refusait d’être le jouet d’un état qui contrôle le moindre citoyen par pure paranoïa et qui vote des lois liberticides pour contrôler les populations de ce monde. L’homme n’est pas fait pour être l’esclave d’une minorité malveillante, l’homme est fait pour devenir une espèce capable de s’élever et de devenir meilleur en tout, et pas ce loup enragé qui détruit et assassine, ce Chronos monstrueux qui dévore ses enfants vivant pour ne pas qu’ils lui succèdent, pour ne pas avoir à craindre, qu’un jour, ils lui fassent subir le même tourment qu’il a fait subir à son père Uranus.
Le salut de l’Ukraine sera non violent où il ne sera pas.
Nous vivons une époque formidiable…