Avec plus de 200 films nouveaux vus en salle en 2013,
j’ai eu l’embarras du choix pour constituer ce Top de mes films préférés de
l’année. Chaque année, c’est une souffrance de m’arrêter à cette dizaine de
long-métrages représentant à mes yeux ce qui s’est fait de mieux au cinéma
l’année écoulée. Certaines années j’ai triché, réunissant un Top 15 plutôt
qu’un traditionnel Top 10 car il est trop dur de laisser certains films sur le
côté alors qu’ils auraient tout autant leur place que certains des élus. Comme souvent,
le cinéma américain est plus présent que les autres, car si j’ai vu en 2013 des
films de 34 nationalités différentes, de la Norvège à la Palestine en passant
par le Sénégal, la Malaisie ou le Chili, la part de marché du cinéma américain
dans mes pérégrinations cinéphiles tourne autour des 40%. Il est donc peu
surprenant de le trouver assez massivement représenté.
Tous ces films, et pourtant je mentirais si je disais que
je n’ai vu que des films que je voulais absolument voir, ou que j’ai pu voir
tous ceux que j’avais l’intention de découvrir. Cette liste de 10 films, mes
préférés de l’année, ne porte que sur les films sortis en salles en France.
J’en ai vu quelques dizaines d’autres qui ne sortiront en salles qu’en 2014 ou
ne sortiront jamais, vus en festival. Peut-être ferais-je un billet dans
quelques jours pour mettre en avant ces films qui n’auront peut-être jamais le
droit de parader sur les grands écrans français. Peut-être se trouvera-t-il
dans cette liste un ou plusieurs films asiatiques qui font cruellement défaut
dans mes dix films préférés de 2013, une absence extrêmement rare quand il s’agit
de dresser un tel top.
Je m’égare un peu. Mon Top. Dix films. Dix films alors
que six ou sept autres attendent sur le palier et auraient tout aussi bien pu
passer la porte et se trouver une place ici. C’est la dure loi des tops. Alors
les voici ces films qui m’ont fait vibrer, qui m’ont scotché à mon siège, qui
m’ont écrasé, m’ont ébloui, m’ont ému, m’ont hanté des jours, des semaines, des
mois après que je les ai vus pour certains. Des films différents, des films que
certains d’entre vous approuveront et d’autres qui en feront lever les yeux de
certains au ciel. Tant mieux, car si tout le monde préférait les mêmes films,
tout deviendrait uniforme et ennuyeux. Bon allez j’ai suffisamment fait durer
l’introduction. Qui succède à « Adieu Berthe, l’enterrement de mémé », film préféré de 2012 ? Place aux films.
1. Prisoners
Il y a deux ans, le québécois « Incendies » se
trouvait en bonne place dans mes films préférés de l’année. Deux ans plus tard,
Denis Villeneuve s’en est allé aux États-Unis tourner un thriller dont la bande-annonce
semblait en avoir bien trop montré. J’y suis entré en étant presque persuadé de
connaître le film à l’avance. Parfois c’est autant un avantage que de ne rien
connaître d’un film. Car les attentes sont ainsi bousculées. Et
« Prisoners » m’a assommé. J’ai trouvé une exploration terrifiante
des maux de l’Amérique, cette Amérique qui ne fait ni rêver ni envie. Les maux
d’une société rongée par le doute, par l’extrémisme, par l’hébétude et la
violence. C’est un examen passionnant et un récit électrisant, dans lequel
chaque plan, chaque dialogue, chaque regard, chaque couleur semblent composés
dans un souci de précision et d’expression. C’est un film qui respire le cinéma
à plein poumons.
2. La Grande
Bellezza
La grande beauté. Le cinéma est parfois une grande
énigme. Jamais le cinéma de l’italien Paolo Sorrentino ne m’avais jusqu’ici
touché. Il ne m’a pourtant fallu dans son nouveau film que quelques minutes
pour sentir que cette fois, quelque chose se produisait en moi. Une séquence,
une musique, une atmosphère qui font basculer dans le film pour ne plus jamais
en revenir. « La grande bellezza » est un film du vieux continent, où
le regard désabusé de Toni Servillo se moque d’une haute société romaine où le
clinquant est devenu monnaie courante, mais où la vraie beauté n’est, elle,
plus qu’un souvenir ou un vestige. C’est un film amer et lumineux qui se pose
sur nous avec force, avec humour, et avec grandeur.
3. Prince of Texas
Je me souviens encore de la jubilation que j’ai éprouvée
devant le film de David Gordon Green. Ce bonheur incroyable de voir se marier
sous mes yeux la grâce de ses premiers films dramatiques et la jouissance
comique de son « Délire Express ». Parfois, il suffit d’un apparent
rien pour que la magie du cinéma opère. Ici, ce sont deux beaux-frères, seuls
sur une route texane, en forêt, qui tracent des lignes. Et entre les lignes,
les dialogues, les rires, les pleurs, les questionnements tissent un film où
l’humour et l’émotion jonglent constamment, comme une évidence. Et en un film,
voici que David Gordon Green est redevenu l’un de mes cinéastes américains
préférés.
4. Le Congrès
L’attente autour d’un film est souvent proportionnelle à
l’accueil que l’on a fait au précédent film de son réalisateur. Et
contrairement à beaucoup de monde, « Valse avec Bachir » m’avait
déçu. Ce n’est donc pas avec excitation que je me suis rendu ce jour de juillet
dans une salle projetant le nouveau film d’Ari Folman. Une partie de mon esprit
s’y promène pourtant toujours, tant l’univers créé par le cinéaste israélien
m’a fait voyager comme rarement. C’est un magnifique film sur l’art en général,
et le cinéma en particulier, et Folman nous y plonge avec une maestria folle,
sans limite à son imagination, sans jamais pourtant perdre sa voix sous ces
méandres créatrices. Une explosion cinématographique pleine de grâce.
5. Cloud Atlas
A l’opposé de la simplicité de « Prince of
Texas » se trouve la complexité de « Cloud Atlas ». Réalisé
conjointement par les « frères » Wachowski et Tom Tykwer, le film est
absolument imparfait. Mais il se dégage une telle puissance cinématographique
du film que le voyage est total à travers l’écran. Trip SF hallucinant, film en
costumes aventurier, drame romantique, comédie fofolle, le film est tout cela à
la fois, avec un souffle d’une ampleur incroyable. C’est un voyage vers un
monde inconnu, une invitation cinématographique époustouflante dans laquelle on
aimerait se perdre indéfiniment. Du cinéma, tout simplement.
6. Mud
Je me souviens de ces jours ayant suivi ma découverte de
« Shotgun Stories », le premier long-métrage de Jeff Nichols. Je
criais haut et fort mon coup de cœur pour ce jeune cinéaste promis à un grand
avenir, mais dont si peu de monde même parmi les cinéphiles avait entendu
parler. C’est bien du passé, car après « Take Shelter », Nichols
assoit définitivement son talent de raconteur d’histoire et de metteur en scène
avec ce beau morceau de cinéma, conte adolescent autant que drame humain,
poisseux autant qu’il est solaire, enivrant et mélancolique à souhait. Et
Matthew McConaughey de confirmer qu’il est bien l’acteur américain le plus
passionnant du moment.
7. Il était temps
Il y a des films que l’on n’attend pas vraiment dans ses
favoris de l’année. Des films supposés mineurs qu’un bon cinéphile se doit de
laisser en dehors d’un tel classement. Mais c’est le cœur qui parle lorsqu’il
s’agit de nommer de tels films, et s’il est un film qui m’a retourné le cœur
cette année, c’est bien le film de Richard Curtis, contre toute attente. Le
cinéaste britannique m’a pris au dépourvu, moi qui pensais voir une comédie
romantique, je me suis retrouvé devant un beau film sur le rapport au temps,
sur ces minutes qui s’évaporent avant que l’on ait eu le temps de les vivre
pleinement, sur le rapport aux autres et la difficulté de profiter pleinement
de chaque minute que l’on partage avec un père ou une mère. Certains films
parlent avec le cœur, et « Il était temps » est de ceux-là, et il m’a
laissé bouleversé d’émotion.
8. La vie d’Adèle
Abdellatif Kechiche. Un nom qui par le passé a toujours
été associé à des films qui m’ont lassé, quand ils ont su m’attirer en salle.
Je n’ai pas franchement été surpris que le film remporte la Palme d’Or, je n’ai
pas été surpris non plus que mes appréhensions ne m’aient pas empêché de me
déplacer. Mais je fus stupéfait d’aimer à tel point « La vie
d’Adèle », moi qui n’avais jamais été sensible au cinéma de Kechiche. J’ai
trouvé un film grouillant de vie, collant au plus près de ses personnages,
racontant le passage à l’âge adulte avec une force incroyable. J’ai trouvé une
histoire d’amour, de questionnements, de déceptions, renversante. J’ai été
étouffé, remué, ébloui.
9. Rêves d’or
Il y a des gens qui ne vont voir au cinéma que les films
qu’ils savent qu’ils vont aimer. Que les films qui sur le papier leur plaisent.
Des spectateurs qui ne laissent pas de place à la surprise. Ce sont parfois
dans les films les moins attendus que l’on trouve pourtant les plus belles
expressions de cinéma. Je n’attendais pas grand-chose de « Rêves d’Or ». Ce me semblait être un film connu à l’avance. Mais la curiosité
m’a tout de même placé devant cette histoire déchirante, poétique et amère d’un
groupe d’adolescents d’Amérique Centrale tenant coûte que coûte à traverser le
Mexique et atteindre les États-Unis. Un magnifique film sur le passage à l’âge
adulte, touché de moments de grâce rares. Le genre de film qu’il est bon de
croiser presque par hasard.
10. Gravity
Certains films sont des expériences sensorielles sans nul
pareil. Des aventures cinématographiques pures, pensées pour le grand écran,
nécessitant le grand écran, magnifiant le grand écran. Gravity est
indéniablement de ceux-là. 1h34 de tension extrême, de souffles coupés, de
sueurs intenses. Chacune des inspirations et expiration du spectateur se fait au
rythme de celles de Sandra Bullock. Ceux qui se demandent encore à quoi peut
bien servir la 3D n’ont probablement pas vu Gravity. La technique semble avoir
été créée spécialement pour ce film. Et Alfonso Cuaron de confirmer, après la
claque « Children of Men » en 2006, qu’il filme comme nul autre.