Déjà évoqué dans ces chroniques, l'artiste, écrivain et poète Pierre Tilman n'en finit pas de multiplier les tentatives d'évasion pour s'échapper des grilles dans lesquelles nous enferment les formes actuelles du langage. Comme il n'en est pas à son premier essai, chaque nouvelle contrainte lui offre un motif nouveau pour s'en affranchir.
"Sélectionner tout" Pierre Tilman 2013
" Sélectionner tout"
Aujourd'hui, dans l' exposition " Sélectionner tout" à la galerie Métropolis à Paris, Pierre Tilman s' en prend aux injonctions des ordinateurs : " Remplacer, afficher, annuler, rechercher, ouvrir, masquer, éteindre, quitter...." Nous connaissons tous, devant nos écrans, ce dialogue de sourd, cette conversation à sens unique à laquelle nous devons nous plier pour passer sous les fourches Caudines de l'informatique. Mais dans son exposition parisienne, vous n'apercevrez pas l'ombre d'un ordinateur, si ce n'est dans le bureau de la galerie.
Pierre Tilman a décidé de s'emparer de ces mots coercitifs pour les épingler sur un tableau, tels les coléoptères dans la collection d'un entomologiste. Et comme toujours chez lui, les mots sont devenus des choses, ici sous forme de lettres volées peut-être à un jeu de Scrabble. L'artiste a pris le dessus sur l'implacable rigueur informatique pour faire de ces mots l'objet d'un jeu permanent. Ces mots-objets, alignés dans une phrase impossible, se retrouvent, grâce au poète artiste, désormais soumis à notre investigation. Ils ont perdu de leur superbe, de leur pouvoir contraignant. Ils ne peuvent plus, désormais, nous soumettre à leur ultimatum.
"C'est l'histoire d'un type" Pierre Tilman 2013
Chemins de traverses
Voilà comment Pierre Tilman nous entraîne sur ses chemins de traverses. Au gré de ses pas, il y repère quelques brindilles qui seront autant de supports nouveaux pour y piéger les mots et nous faire entendre une petite musique, discrète, bien dans le ton de cet homme un peu secret. Pour fixer ces mots qui deviendront des sentences au gré de leur organisation, l'artiste confectionne, à l'aide de ces brindilles, un écrin qui ressemble à l'ébauche d'un nid destiné à y abriter ces poèmes buissonniers.
Petit soldat
L'écolier désobéissant qui habite toujours Pierre Tilman n'a pas fini, non plus, de jouer aux petits soldats. Une fois encore, cette armée colorée brandit ses armes pacifiques : des lettres qui forment des mots qui forment une phrase. A la tête de ces bataillons, l'artiste engage son armée au service de la poésie. Un comble ! Nous savons bien, depuis longtemps, que Pierre Tilman prend les mots au pied de la lettre pour nous astreindre à les lire pour ce qu'ils sont, avec leurs contradictions parfois. " Sélectionner tout" ! Cette antinomie, nous l'avons sous les yeux chaque jour sur l'écran de notre ordinateur sans y avoir vraiment prêté attention. Avant de recopier ce texte sur ma chronique, j'hésite maintenant à "Sélectionner tout".
"Rendez vous
vous avez les yeux cernés"
nous lance le poète. Il nous faut rendre les armes, lâcher le clavier et retrouver, sur les sentiers secrets, la trace de cet artiste buissonnier.
Photos: Pierre Tilman, galerie Métropoplis
Pierre Tilman"Sélectionner Tout"
Du 23 janvier au 8 mars 2014
Galerie Métropolis
16 rue de Montmorency
75003 Paris