Un sous-produit de ma tentative de compréhension de notre modèle de société est la
réhabilitation de la schizophrénie :
A l’origine était
Bateson
Bateson a une théorie fameuse concernant la schizophrénie. L’injonction
paradoxale. Le cas type est la relation mère, enfant. La mère place l’enfant,
qui ne peut pas s’échapper, dans une situation irrationnelle. Par exemple elle
lui dit à la fois qu’elle l’aime, tout en le repoussant. L’enfant s’adapte
rationnellement en devenant irrationnel, schizophrène.
Hypocrisie et
schizophrénie
J’ai toujours interprété Tartuffe comme croyant à ce qu’il
disait. Quand il se dit dévot, il se croit dévot, il n’est pas conscient de
tromper. Il refuse (inconsciemment) de se voir tel qu’il est. Le psychologue
Robert Trivers semble m’approuver. Il observe que, pour mentir efficacement, il
faut croire à son mensonge. C’est pour cela que l’hypocrisie me paraît une
forme de schizophrénie. Un dédoublement de la personnalité.
La sélection
naturelle et la schizophrénie
Perfide Albion, « langue fourchue » dit l’Indien
du cowboy… l’hypocrisie est une caractéristique culturelle de l’Anglo-saxon. C’est
un atout, puisque, si vous le croyez, il vous dévalise. L’hypocrisie
anglo-saxonne a le même rôle que l’aspect de certains animaux qui trompent
leurs proies. C’est pour cela qu’il me semble que la schizophrénie résulte de la sélection naturelle.
Il est possible, d’ailleurs, que l’équilibre mental de l’Anglo-saxon
soit relativement solide. En effet, il pense que la fin justifie les moyens.
Puisque sa cause est juste, toutes les tactiques sont bonnes pour gagner. Sa
réussite sera d’ailleurs la preuve de l’approbation divine.
(Cependant, l’hypocrisie n’est pas une arme absolue. Phénomène
de « dissonance cognitive » : l’hypocrite a une faille, il ne
peut pas supporter d’être mis en face de ses contradictions.)
Schizophrénie et créativité
Il est aussi possible qu’une forme de schizophrénie soit
favorable à la créativité. Une des grandes idées grecques est celle de la
dialectique : une pensée qui se construit par contradictions. Peut-être qu’être
un tantinet schizophrène permet de vivre avec de telles contradictions, le
temps nécessaire pour leur trouver une solution ?
La schizophrénie est bonne
pour la société
En poussant ce raisonnement, j’aboutis à une idée qui court de Machiavel à Adam Smith : c’est en faisant le mal que l’on fait le bien. Les
médecins de Molière, par exemple, furent la pub de la médecine à une époque
où elle n’avait rien de séduisant. Peut-être que, sans eux, elle n’aurait pas
survécu ? De même les droits de l’homme sont la meilleure arme commerciale
des Anglo-saxons. Mais, eux, refusent qu’ils les contraignent (c’est une raison, par
exemple, du retrait de l’Angleterre de l’UE). Conséquence imprévue : les droits de l’homme ont gagné
le monde.
Un épisode
fameux est raconté par E.P Thomson (THOMPSON, E.P., The Making of the English Working Class, Vintage Books USA, 1966). L’Angleterre
est le berceau des droits de l’homme. Mais homme, en anglais, signifie
possédant. La France du 18ème siècle s'est méprise. Elle a cru que le principe était universel.
A la nouvelle de notre Révolution, la classe supérieure britannique a pris peur. Cette erreur de
traduction pouvait avoir des conséquences terribles. Elle a décrété l’état
d’urgence. Pour que le peuple ne soit pas contaminé par la peste égalitaire, elle l’a divisé pour régner. En dissolvant la communauté
traditionnelle, elle a inventé le prolo (la classe ouvrière), et fait la
fortune de Dickens. Mais il était trop tard. Le bien était fait.
La schizophrénie
comme pathologie
Question finale. N’est-il pas exagéré de parler de schizophrénie
pour tous ces phénomènes ? Et si, comme beaucoup de maladies, la
schizophrénie, en tant que telle, était un cas limite d’une caractéristique favorable
à la société ? Accepter la contradiction ?