Très étonnantes recherches que celles menées actuellement par Arnaud Norena, chercheur en neurosciences au CNRS. En administrant à des jeunes adultes du valproate, un antiépileptique, ceux-ci ont pu acquérir l’oreille absolue, une fonction cognitive souvent innée, qu’on ne peut développer que par un apprentissage musicale durant l’enfance.
Rappelons que l’oreille absolue est la capacité de reconnaître n’importe quelle note de musique sans avoir besoin d’un point de référence, voire d’un diapason. Bien pratique surtout quand on veut chanter parfaitement juste ou diriger un chœur, ce qui n’est pas à la portée du premier venu, j’en conviens !
J’apprends aussi vite que j’oublie
Il semble que cette molécule agisse sur la plasticité cérébrale et on sait l’intérêt de pouvoir agir sur les zones du cerveau notamment en cas d’AVC ou de troubles auditifs de type acouphène, hyperacousie. Toutefois, bien des questions se posent sur cette molécule « miracle » qui favorise des apprentissages qu’on ne peut habituellement maîtriser pleinement que durant la « période critique » de l’enfance, c'est-à-dire quand les voies cérébrales, neuronales, ne sont pas encore saturées d’informations.
Mais le valproate a un défaut de taille : il provoquerait des problèmes de la mémoire, un manque de repérage dans le temps. «Notre hypothèse, explique une chercheuse, c'est qu'avec le valproate il est plus facile d'apprendre, mais aussi plus facile d'oublier ou de confondre puisqu'il y a plus de plasticité.»
Une molécule qui désinhibe le cerveau
L’étude scientifique publiée dans in Systems Neuroscience, indique que vingt quatre jeunes hommes ont pris pendant quinze jours du valproate, alors que les autres étaient sous placebo. « Lors de la deuxième semaine ils ont appris à associer six notes à des prénoms; au quinzième jour, ils devaient nommer des notes entendues ». Et de conclure que cette molécule les a rendus plus performants.
« En effet, en agissant sur des protéines appelées histones, précise les auteurs de la recherche, le valproate «déplie» l'ADN et facilite ainsi son expression. Par ailleurs, il empêche le fonctionnement du neurotransmetteur GABA, un système inhibiteur du cerveau. Chez l'adulte, quand il se fixe sur un neurone, il l'inhibe; durant le développement, au contraire, ce même GABA active les neurones. »
De nouvelles recherches approfondies par imagerie cérébrale permettront certainement de mieux comprendre comment le valproate agit sur la plasticité cérébrale et quels bénéfices peut-on en attendre pour la santé et en particulier les troubles auditifs.
Philippe Barraqué
musicothérapeute
spécialiste de la prise en charge des pathologie acouphéniques
CD et livres de thérapie sonore anti-acouphènes : www.stop-acouphenes.fr
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