Seul en scène écrit et interprété par Régis MailhotMis en scène par Gil Galliot
Présentation : Reprise des hostilités, c’est l’histoire d’une rupture non conventionnelle, celle d’un comique qui décide de claquer la porte d’une société où la franchise est dorénavant considérée comme un acte de délinquance. Entre le ras-le-bol de commenter la sempiternelle même info spectacle, la difficulté de s’exprimer dans une époque moraliste et démoralisante, et la peur de penser mal, le métier d’humoriste devient un défi quotidien.
Mon avis : Hier soir, je me suis fait le Mailhot… Qu’est-ce que je me suis poilé !Ce préambule un peu vaseux reflète pourtant le grand plaisir que j’ai connu en découvrant le nouveau seul en scène de Régis Mailhot. Ce garçon propre sur lui, très élégant (costume, cravate), ce qui devient rare, est un de nos humoristes les plus iconoclastes et les plus joyeusement subversifs actuellement. Avec lui, il n’y a pas de langue bois, il n’y a que des échardes qu’il plante allègrement ça et là au gré de ses envies et de l’actualité.Il annonce d’ailleurs la couleur avec le titre de son spectacle : « Reprise des hostilités »… Régis Mailhot repart donc au combat. Et il a fait le plein de munitions. Il faut dire que l’actualité française et mondiale a de quoi le ravitailler. Même s’il est un redoutable tireur d’élite, il n’est pas du genre sniper, il ne tire pas au coup par coup. Lui, son arme, c’est plutôt la mitraillette car il arrose copieusement tout ce qui bouge.
Son spectacle est découpé en plusieurs chapitres thématisés. C’est très bien pour le public car il a droit à du concentré à chaque fois. Régis Mailhot ne nous propose que le suc ; il élimine le superflu, ne va qu’à l’essentiel. C’est d’autant plus efficace que le jet est continu… Il a une façon très personnelle de prendre un sujet et de ne lâcher que lorsqu’il en a intégralement fait le tour. Il travaille comme un orpailleur : il passe tout au tamis et ne conserve que les pépites. Son sens de la formule est imparable (« Si le printemps était arabe, l’automne sera voilé »… « Pierre Bergé, c’est le grenier à blé du PS »… « Le Superbowl de ceux qui n’en ont pas », « Le taux de suicide chez les kamikaze »). Très à l’aise sur scène, il occupe bien l’espace et démontre également qu’il est un sacrément bon comédien (ce qui ne transparaît pas automatiquement à la radio). Ses images et ses comparaisons sont particulièrement osées, et il ponctue ses pires assertions d’un sourire à la fois candide et sardonique (il faut le faire !). Il est vrai qu’il possède un sens de l’euphémisme qui frise la mauvaise foi lorsqu’il avoue : « Je suis un peu taquin ». Il y a dans son texte – remarquablement écrit – quelques « taquineries » qui pousseraient quelques unes de ses cibles préférées à avoir envie de « régisside ».
Tout est vraiment bon dans ce spectacle intelligemment charpenté. Parmi les thèmes qu’il aborde, les infos dans dix ans, le mariage pour tous, l’homosexualité, les « héros » médiatiques (genre Zaïa et Leonarda), les Femen, les syndicats, les handicapés, la sexualité, la grossesse, la paternité, les artistes engagés, le plus abouti est, pour moi, celui qui traite des trois religions monothéistes. C’est d’autant plus percutant que c’est dénué de tout sectarisme. C’est d’ailleurs dans le même esprit qu’il analyse la politique ; il y en a pour tout le monde.Bref, autant sur le plan qualitatif que quantitatif, Reprise des hostilités est un spectacle très dense, très riche. Il est vrai qu’avec un tonton qui a passé sa vie à faire (brillamment) le Jacques, l’énergumène a été à bonne école…
Entre La Framboise Frivole et Régis Mailhot, mes zygomatiques ont vraiment vécu une semaine faste !...
Gilbert « Critikator » Jouin