Dédicace du livre que Maurice Godelier consacre à Claude
Lévi-Strauss. Organisée par Eric Minnaert (de qui Maurice Godelier attend le même
service que celui qu’il a rendu à Claude Lévi-Strauss) et la librairie des
Abbesses (que je découvre et recommande, au passage). Tous autour du maître,
qui nous raconte son projet. Il n’aime pas Claude Lévi-Strauss, avec qui il a
passé de longues années. Son travail porte sur l’œuvre, il en montre les forces
et les « failles ». Ce n’est
pas une critique, mais, selon moi, une réflexion sur ce qu’est un scientifique.
Une leçon de vie. Claude Lévi-Strauss a fait un travail immense, surhumain ?,
mais il n’a pas pu éviter certains écueils. Et c’est là que je vois la leçon. Prenons
garde à ce que ce second aspect ne nous fasse pas oublier le premier. Et que l’apprenti
scientifique s’engage dans la carrière avec l’humilité qu’il doit à un géant.
Pour ma part, je n’ai pas trouvé le Lévi-Strauss que j’avais
entraperçu. Don Quichotte et Rousseau. Un de nos plus grands écrivains. Et un
homme à la poursuite d’un rêve insensé. Celui du bonheur premier, celui qu’aurait
connu l’homme avant qu’il soit victime de la société. En fait, Maurice Godelier
m’a réconcilié avec le Lévi-Strauss scientifique, pour l’œuvre de qui je n’avais
pas suffisamment de considération.
Curieusement peut-être Maurice Godelier semblait moins
intéressé de nous parler de ses travaux que de sa vie. Celle d’un jeune philosophe qui en arrive à l’anthropologie par des chemins intellectuels, et détournés. La rencontre avec les
Papous et leurs missionnaires protestants. La vie du professeur et du gourou de l’anthropologie française, qui fréquente présidents
de la République et politiques. Il est sans doute flatté de les côtoyer, mais
leurs rites lui sont impénétrables.
Quant à moi, cela m’a permis d’observer les anthropologues
dans leur habitat. Leurs lois de la parenté différent, je crois, de celles du reste de
la société. En particulier, en termes de prohibitions. On y vit en vase clos,
avec ses élèves et ses petits élèves. Et on s’y marrie entre soi. Peut-être est-ce comme cela dans les sociétés organisées par le principe du charisme ?