Une version militaire de l'Hymne au Général San Martín
très bien illustrée, avec les paroles
(et des images conventionnelles, éloignées de la réalité historique du personnage)
Pour l'arrivée du printemps (septentrional), c'est un nouvel ouvrage sur ce héros du Cône Bleu que je prépare chez mon éditeur de toujours, les Editions du Jasmin, dont le patron n'hésite pas à m'accompagner hors des sentiers battus, dans des mondes peu connus en terre francophone et Dieu sait s'il faut du courage pour faire cela par les temps qui courent !
Après une biographie intitulée San Martín à rebours des conquistadors (voir mes articles dans ce blog et la présentation sur mon site Internet), j'ai voulu faire découvrir à mes lecteurs quelques uns des documents historiques sur lesquels le premier livre a été bâti, ces documents qui nous permettent, deux cents ans plus tard, d'entendre sa propre voix et de l'approcher, presque en chair et en os, grâce aux témoignages de ceux qui l'ont côtoyé et dont il a su se faire aimer. Mon cinquième ouvrage rassemblera donc quelque cent cinquante textes, provenant d'auteurs aux nationalités variées, écrits en espagnol (pour une majorité d'entre eux), en français et en anglais, avec une fluidité littéraire qui m'a personnellement remplie d'admiration. Bien entendu, j'ai tenu à ce que les textes soient accessibles dans leur langue d'origine avec une traduction en français en vis-à-vis. Cela tombe bien : les Editions du Jasmin sont spécialisées dans les libres bilingues et fortement ancrées dans les cultures du monde.
Himno al General San Martín dans une version lyrique par le ténor Leonardo Pastore (et toujours les mêmes images convenues)
Le livre, de la même taille et du même format que Barrio de Tango, recueil bilingue de tangos argentins, paraîtra d'ici quelques mois. Sa sortie sera précédée d'une très prochaine souscription qui proposera l'ouvrage à 20% de réduction sur le prix de vente en librairie (conformément à la loi Lang).
Pour cette première mise en bouche, voici, en illustration sonore, un morceau de musique que tous les Argentins connaissent par cœur : el himno al general San Martín, chanson patriotique s'il en est car en Argentine, contrairement à ce qui se passe dans bon nombre de pays blasés de notre vieille Europe, on ressent toujours le besoin de conforter le sentiment et la fierté d'appartenance nationale à travers le chant, qu'on entonne tous en chœur, à l'unisson, debout, aux jours symboliques que sont les fêtes nationales et les grandes commémorations. C'est pourquoi, pour nous, il n'est peut-être pas simple d'entrer dans cette manière de célébrer, qui nous ramène cent ans en arrière, à une époque belliqueuse de triste mémoire. Le ressenti argentin est tout autre : il s'agit de célébrer la naissance, accidentée comme toute naissance, de la Patrie sous de grandes figures tutélaires, réellement admirables...
Une très célèbre interprétation, 100% civile,
de l'Hymne au Général San Martín,
chantée par Pedro Aznar accompagné au piano por Lito Vitale qui est aussi l'auteur de l'arrangement
En voici le texte, qui date de 1950, une année que Juan Perón érigea en Año del Libertador, pour marquer le centenaire de la mort de San Martín à Boulogne-sur-Mer, en France. Ce chant est donc contemporain du Monumento al Abuelo Eterno, qui fait face à l'Instituto Nacional Sanmartiniano, sur plaza Grand-Bourg, à Palermo (voir la journée que nous passerons autour de ce personnage pendant le voyage Le Roman national argentin, voyage culturel, solidaire ethumain, avec Human Trip). Son compositeur était un musicien né en Italie et qui immigra en Argentine, où il fit une brillante carrière, jusqu'à diriger le teatro Colón, l'Opéra de Buenos Aires.
Yerga el Ande su cumbre más alta, dé la mar el metal de su voz y entre cielos y nieves eternas se alza el trono del Libertador
Suenen claras trompetas de gloria y levanten un himno triunfal, que la luz de la historia agiganta la figura del Gran Capitán.
Que l'Ande dresse son plus haut sommet que la mer fasse retentir sa voix et entre cieux et neiges éternelles que s'élève le trône du Libertador (1)
Sonnent les claires trompettes de la gloire
et élèvent un hymne triomphant car la lumière de l'histoire magnifie la figure du Grand Capitaine. (Traduction Denise Anne Clavilier)De las tierras del Plata a Mendoza, de Santiago a la Lima gentil fue sembrando en la ruta laureles a su paso triunfal, San Martín.
San Martín, el señor en la guerra, por secreto designio de Dios, grande fue cuando el sol lo alumbraba y más grande en la puesta del sol.
Des terres du Río de la Plata à Mendoza de Santiago à Lima l'Impie (2) San Martín des lauriers sur sa route sema, sous ses pas triomphants.
San Martín, le maître de la guerre, par un secret dessein de Dieu fut grand quand le soleil l'illuminait et plus grand encore au coucher du soleil (3) (Traduction Denise Anne Clavilier)
¡Padre augusto del pueblo argentino, héroe magno de la libertad! A tu sombra la patria se agranda en virtud, en trabajo y en paz.
¡San Martín! ¡San Martín! Que tu nombre honra y prez de los pueblos del sur aseguren por siempre los rumbos de la patria que alumbra tu luz.
Auguste père du peuple argentin, grand héros de la liberté ! Dans ton ombre la patrie croît en vertu, en travail et en paix (4)
San Martín ! San Martín ! Qu'ils assurent pour toujours ton nom honneur et gloire des peuples du Sud les chemins de la patrie qu'éclaire ta lumière. (Traduction Denise Anne Clavilier) La partition (cliquez sur l'image pour lire les portées)
(1) Souvent en Argentine, on interprète ce trône comme celui d'un roi, ce qui gêne, à juste titre, de nombreux patriotes républicains. Il est beaucoup plus probable que le terme s'enracine ici dans la tradition psalmique (que l'on connaissait alors surtout dans le texte latin, donc incompréhensible) et que Segundo Argañaraz aura cherché par ce biais à sacraliser San Martín. Dans les psaumes, le trône est toujours une allégorie de Dieu, qui permet d'éviter de prononcer un nom imprononçable dans la tradition hébraïque. (2) Dans les années 1810, lorsque San Martín préparait l'expédition libératrice du Pérou, Lima avait la réputation, pas vraiment surfaite, d'être une ville dépravée. C'était alors la seule place forte demeurée envers et contre tous fidèle à l'Ancien Régime. Cernée dix ans durant par la révolution, il y régnait une profonde décadence éthique et politique comme c'est toujours le cas lorsqu'un système s'effondre. Stigmatiser ainsi Lima en 1950 était bigrement archaïsant et, de surcroît, assez peu aimable pour les voisins. (3) Allusion au soleil qui est à la fois le symbole du Pérou et celui de la Révolution de 1810 en Argentine et au crépuscule de la vie du général, lorsqu'il avait renoncé au pouvoir et s'était retiré dans une petite sous-préfecture alors parfaitement obscure, sur la côte sud de la Manche. Boulogne-sur-Mer a depuis pris sa revanche, devenant le premier port de pêche français et s'enorgueillissant d'un bon nombre d'atouts culturels, comme Nausicaa ou le Musée-Château (avec une collection d'objets inuits unique en France). (4) Si seulement les gouvernements militaires factieux argentins n'avaient pas passé leur temps à faire mentir cette strophe en s'appropriant l'image du général au point de l'atrophier et de lui dénier son humanisme profond.