Dans la cour d'école, les élèves de San Luis de Lloa,
en rang, et presque prêts.
Maison du rang San Luis, Lloa.
J'ai croisé Don Julio Aguirre et son épouse dont je n'ai jamais su le nom. J'ai été étonné par le fait qu'ils ne semblent pas avoir vieilli depuis 2004! Malgré qu'ils aient été les parents de cinq de mes élèves à l'époque, monsieur Aguirre ne doit pas être plus âgé que moi. Et même si ce matin, je n'ai pu rencontrer aucun de mes cinq anciens élèves - chacun étant parti travailler - j'ai au moins eu le plaisir de savoir que deux vivent en ville à Ambato et que deux travaillent à Quito mais vivent toujours à Lloa. Je dis "plaisir", car la crainte dans les zones rurales éloignées, c'est que les enfants cessent l'école tôt et travaillent sur la terre. Ça prend de la relève - et certains sont taillés pour ça - mais souvent, c'est la pression des parents qui empêchent les jeunes de poursuivre des études, passé la petite école, à Lloa. Je n'en sais donc pas plus sur mes élèves de cette famille pour le moment, mais au moins, je sais qu'ils ont vu et expérimenté la ville (aucun des cinq n'avait vu Quito en 2004, le plus âgé avait alors 13 ans).La cuisine de l'école est une des pièces qui a très peu changé.
Il m'a été difficile de savoir ce qu'il était advenu des autres, puis que les gens qui travaillent la terre à San Luis ne sont pas à la maison pendant l'avant-midi, et je suis loin de me souvenir de quelle famille habitait quelle maison, puisque je n'allais pas souvent dans le rang lui-même. Ainsi, je n'ai pu faire que quelques rencontres au hasard pour le moment.L'une d'entre elles mérite d'être relatée.
Je venais de prendre une photo panoramique de la vallée, avec l'école et le volcan Guagua Pichincha, quand une camionnette s'est approchée et arrêtée non loin de ma position. J'ai pris deux autres photos, et un des jeunes hommes de la camionnette m'a interpellé en me disant de les prendre eux, en photo. Exemple rarissime d'équatorien, puisque les gens ici sont plutôt conservateurs et timides quand vient le temps de se faire prendre en photo. Les deux jeunes couples sortent donc de la camionnette et me font signe d'approcher. Je m'exécute et me présente, et demande le nom de celui qui m'a invité, avant de prendre ma photo.
- Secundo ("Junior").
Je m'approche, puis, sur une impulsion, d'une pichenette, relève son chapeau de cowboy et dévoile un peu son visage.
- Edwardo?
- Soy yo! ("C'est moi")
- Soy Hugo, tu profe de inglès, de hace diez anos!
- Ah, si, si, el senor Hugo, hahaha.
Edwardo était un de mes élèves en 2004, que je n'avais d'abord pas reconnu sous son chapeau de cowboy et avec dix ans de plus.
Bien qu'il se présente maintenant sous le nom de Junior, j'ai d'abord connu Edwardo sous le nom de Diego. Les équatoriens ont deux prénoms et utilisent parfois l'un, parfois l'autre et parfois les deux, Edwardo, appelé ainsi par la directrice et autre professeure de l'école à mon arrivée à Lloa, s'était présenté à moi sous le nom de Diego. Il m'avait fallu au moins deux semaines avant de réaliser que quand Nely parlait d'Edwardo, c'était de lui qu'elle parlait, et il avait alors bien rigolé de la confusion.
Je cite ici mes notes de 2004 à son sujet:
"Diego (6e).
Travaille beaucoup sur la ferme familiale, je le croise souvent à cheval, conduisant un troupeau vers un champ. Il n'est pas idiot, mais peu intéressé par l'école en général. Il participe aux jeux et exercices sans trop d'indiscipline, mais il écoute peu et est comme ça dans tous ses cours."
Edwardo travaille maintenant sur la terre à San Luis, et est marié. Son épouse - d'origine Quechua - n'a pas aimé le résultat de la photo de groupe que nous avons pris ensemble, elle trouvait que le cliché ne l'avantageait pas. Edwardo, lui, l'a trouvée très bonne, cette photo.
De g. à d. L'épouse d'Edwardo (Junior), Edwardo,
moi, et une amie du couple.
La vallée de Lloa, vue de San Luis, avec l'école du rang en
bas à gauche, et le volcan Guagua Pichincha dominant
le paysage.
De retour à l'école, j'ai abordé quelques parents et élèves actuels, ainsi que les professeurs, afin de déterminer quel plan je pourrais suivre pour pouvoir rencontrer d'autres de mes anciens élèves. J'ai déniché une jeune élève (Rocio) qui me servira de guide et d'espion, dès mon retour à San Luis la semaine prochaine, car elle connaît beaucoup les familles qui y habitent, en plus de savoir bien des choses sur les plus vieux. Elle m'a d'ailleurs appris que Rosa, une de mes élèves de 6e en 2004, était aujourd'hui mariée, avec un ou deux enfants, et vivait à La Mena, un quartier de Quito au pied du mont Unguy.
Il y aura donc peut-être une suite à ces rencontres, dans les prochaines semaines.
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