Elle m’a dit je suis une vieille, quand je l’ai appelée il y a quelques minutes.
J’ai dit est-on jamais vieille quand on a eu une vie bien remplie et qu’on est revenue de la mort ?
Rien n’a changé depuis hier et pourtant pour toi tout a changé. Quelle drôle d’idée que ces chiffres ronds, le pouvoir des dizaines sans doute qui fait se remplir de fleurs la table de la salle à manger.
On a tous des milliers de raisons d’en vouloir à sa mère. Elles ont toute été trop, ou trop peu. Ou pas assez. Jamais assez à nos yeux. Il m’aura fallu craindre de la perdre pour réaliser que tout cela n’avait aucune importance. On accepte bien les gens comme ils sont, pourquoi soudain tant d’intransigeance ? M’avoir portée et mise au monde, avoir tiré le meilleur de mon enfance ne me suffiraient donc pas ? Qui suis-je pour oser exiger?
Soixante-dix ans c’est une vie, soixante-dix ans et les jours maintenant ne sont plus inépuisables.
J’ai reconnu le bonheur au bruit qu’il a fait en partant a écrit Jacques Prévert.
Parlons encore de livres et de bibliothèques, de symphonies et de requiems, d’enfants et de voyages, de voisins et de jardins, veux-tu, maman, pour ces années qu’il nous reste à partager.