Les sculptures africaines aiment la lumière : D'une part, les collectionneurs apprécient la patine de certaines pièces ainsi mises en valeur, conférant un peu plus leur aura du "Sacré" qu'on leur attribue ; et d'autre part et principalement, ces oeuvres sont présentées pour être les ambassadeurs du continent africain, de ses artistes de jadis comme c'est le cas, ici, à la BRAFA, ou parfois, car plus rarement, de ses artistes d'aujourd'hui dans les foires d'art contemporain.
Ici, dans un endroit hors du monde et du temps, la BRAFA déploie son faste et resplendit d'une opulence feutrée, soyeuse, illuminée.
Beaucoup s'attarderont sur les évolutions du marché de l'art dont ces foires constituent des thermomètres réguliers, d'autres sur les "people" présents, mais peu compétente dans ces domaines, je me borne à être l'amateure, curieuse et surtout admiratrice de la sculpture africaine.
Statues souvent féroces, parfois inquiétantes, ambigües, mais tellement expressives ! La main du sculpteur n'a pu être hésitante pour façonner de telles oeuvres.
Les pièces montrées demeurent dans un registre classique car il est certainement difficile pour l'Art Primitif de prendre des risques lorsqu'on côtoie sculpture du Moyen Âge, manuscrits ou encore art Nouveau !
Ainsi, à côté de la férocité, l'on peut ressentir la douceur d'une statue Punu, la grâce d'une antilope Bamana ou encore la quiétude d'une figure Lobi.
Mais l'intérêt, cette année, pour nous amoureux de ces arts d'ailleurs, réside aussi dans la participation du musée royal de l'Afrique centrale de Tervuren.
Le musée a de nombreuses histoires à nous raconter : d'abord la grande aventure de sa rénovation et toutes les pièces orphelines pour un temps, à l'image de la fameuse girafe du musée qui nous accueille et pointe là son cou hors d'une caisse !
L'enjeu est de taille, il s'agit, entre autres, de devenir un lieu de rencontre entre les générations autour des arts de l’Afrique et des cultures africaines (y compris l’Afrique contemporaine).
Et puis l'histoire de ces objets dont leur corps racontent à eux seuls le rythme du geste ou de la danse, ou encore celle de la sortie de masques dont le gigantisme nous surprend et que la photographie peine à rendre !
Une autre histoire nous est rapportée par le botaniste Houzeau de Lehaie. En 1934, chez les Guerze de Guinée, il récolte 26 poteaux d'une vieille case à palabres démolie, et leur fait subir un incroyable périple sur le toit de sa Ford afin de les transporter jusqu'en Belgique !
L'histoire des collections permet bien souvent de rentrer par une petite porte dans la saga de la grande Histoire et elle est passionnante !
Ici, dans les années 30, c'est Joseph Seha, mécanicien de la Compagnie des Produits du Congo, qui regarde quelques objets et les acquiert modestement.
Il porte sur eux un regard sensible et aigu et sélectionne une vingtaine de sculptures là où certains n'y voient que de vulgaires fétiches ! Pour preuve ce panneau de lit Yombe, une maternité Phemba, une poire à poudre Yombe et à l'arrière des insignes de chef en ivoire.
C'est donc bien une découverte dans la singularité à laquelle nous convie le musée de Tervuren, comme le titre de l'exposition nous le suggère, là où se côtoient des objets-mythes, formes, couleurs, matières ou encore des monstres sacrés.
Photos de l'auteure, BRAFA 2914. Photos Courtoisy Galerie Bernard Dulon, Galerie Didier Claes, Galerie Adrien Schlagg, Galerie Schoffel-Valluet, Galerie Yann Ferrandin et MRAC, Tervuren