"A moi pour toujours" : tel est le billet anonyme que trouve Sherry Seymour dans son casier e professeur de l’université un jour de Saint Valentin. Elle est d’abord flattée par ce message qui tombe à point nommé dans son existence un peu morne. Mais cet admirateur secret obsède Sherry. Uns situation d’autant plus troublante qu’elle est alimentée par le double jeu de son mari. Sherry perd vite le contrôle de sa vie, dont l’équilibre n’était qu’apparent, et la tension monte jusqu’à l’irréparable…
Espérant atteindre une fois de plus des sommets de littérature fine et délectable avec Kasischke, je suis passée outre le titre simili-romantico-rebutant de ce roman pour ma première lecture de l’année 2014.
Comme dans nombre d’autres de ses romans, Kasischke travaille sur la faille imperceptible très vite franchie qui sépare l’ordinaire répétitif du foyer et de la famille de celui de l’horreur tapie dans les zones d’ombres. L’auteur questionne ici encore – par l’introspection qu’opère Sherry, narratrice à la première personne de ce roman – la question des apparences. Elle s’applique à mettre en parallèle ce que l’on décèle de la vie des autres de l’extérieur et ce que sont réellement ces vies, de l’intérieur. Une manière d’explorer en profondeur la question de l’amitié, du temps qui passe, des corps qui changent, du couple qui évolue. L’approche de Kasischke dans ce qui a trait aux relations humaines, filiales, amoureuses, amicales, est extrêmement juste et troublante. Le rythme est prenant et révèle toute la maîtrise de la romancière qui donne par ailleurs des cours de création littéraire.
Le style en lui-même est malgré tout très en deçà des trésors de poésie et d’images qu’elle avait su déployer dans des œuvres comme A Suspicious river qui reste indétronable au palmarès de mes romans préférés. Le style semble ici avoir été dompté, apprivoisé au profit d’une intrigue qui pèse lourd sans toujours contrebalancer ce que le roman perd au niveau de l’écriture. C’est une petit déception que j’essaie de mettre sur le compte de la traduction sans pouvoir prétendre connaître la raison d’un style aussi appauvri.
Voilà donc un roman modeste et sans prétention. L’intrigue quoique simple met en scène une brillante connaissance de la psychologie féminine et ose mettre en scène une femme ordinaire en proie aux questionnements qui pourraient être les vôtres comme les miens. Vous ne raterez pas un monument de littérature pour autant. Si vous cherchiez un chef d’oeuvre je vous renverrais (une fois de plus) vers A suspicious river.