Depuis l'arrivée de Marine Le Pen à la tête du Front National, elle a entrepris de changer l'image de celui-ci. On peut dire que l'entreprise a plutot bien fonctionné, en grande partie grâce à la complicité des médias qui n'ont eu de cesse de nous vendre ces deux dernières années, un Front National renouvelé idéologiquement, fréquentable pour certains, quand d'autres sont même allés jusqu'à soutenir que désormais le FN était compatible avec la République.
Fadaises évidemment que tout cela, mais elles ont eu l'effet recherché : faire progresser le FN dans les sondages puis dans les urnes. Jusqu'à cet automne, à chaque sondage politique, c'était la même litanie : progression de Mme Le Pen et de son parti qui apparaissaient comme de plus en plus présentables, jusqu'à être envisagés par certains instituts de sondage, comme la seule alternative au PS et à l'UMP. Le FN une alternative crédible aux deux partis de gouvernement ? Non, évidemment, mais c'est peut-être bien ce qui va le tuer.
En effet, il faut se rappeler qu'à l'origine, ce sont les outrances et les excès de Jean-Marie Le Pen qui ont fait le succès du FN. Ce parti d'extrême-droite c'est en grande partie construit sur son image de parti anti-système. De même, si Marine Le Pen joue à fond la carte de la dédiabolisation, pendant la campagne présidentielle de 2012, c'est bien quand elle est restée sur ses terrains de prédilection que sont l'immigration et le rejet de l'Islam qu'elle a été le plus haut dans les sondages. Bref, dédiabolisé ou pas, le FN est avant toute chose un parti pour exprimer sa colère contre un système économique et politique qui dysfonctionne.
En apparaissant comme un parti "normalisé", le FN devient de plus en plus un parti intègrant le système. Or, que constate-t-on depuis l'automne ? Une baisse régulière et assez forte de Mme Le Pen dans les sondages. D'ailleurs le silence qui entoure cette baisse est à mettre en parallèle avec le bruit qu'il y a eu à chacune des progressions sondagières.
Il est possible que ce ne soit qu'un trou d'air, le Front National pâtissant des polèmiques autour de certains de ses candidats, ou encore de sa proximité avec Dieudonné. C'est possible, mais à un moment où le gouvernement acte pour de bon son virage à droite, alors que l'UMP est toujours sans leader et sans visibilité et que tout concourt à faire monter Mme Le Pen dans les sondages, c'est peu crédible. Non, la baisse s'explique par le fait que le FN est incompatible avec le pouvoir, et que ce faisant il perd alors sa fonction première, celle de défouloir.
Voila au moins une bonne nouvelle : ce n'est pas demain que l'on verra la blonde de Saint-Cloud se pavaner à l'Elysée. La mauvaise, c'est que même si elle et son parti sont au plus mal dans l'opinion, leurs idées progressent, et c'est à leur aune que s'effectue malheureusement aujourd'hui tout le débat politique.