C’est encore un tag, mais un peu différent, puisqu’il s’agit en fait de parler d’expatriation. Après ma très légère colère sur le sujet, je ne peux qu’adhérer à l’idée de Marguerite effleure les motset c’est avec plaisir que je réponds à ses questions. Elle collecte ainsi le témoignage de plusieurs expats, et fera une synthèse de tout ça.
1) Expatriée toute seule ou expatriée par amour ?
Expatriée toute seule d’abord, à Mexico, à la fin de mes études, et à deux à Dublin, mais ensembles, nous travaillions dans la même entreprise qui nous a envoyés en même temps en Irlande. Personne n’a eu à laisser son boulot pour suivre l’autre. Et nous étions tous les deux bien décidés à partir. C’était notre premier job, on sortait à peine de la vie d’étudiants. Et l’accent dublinois, c’est quelque chose. On a passé les premières semaines à mimer quand on voulait communiquer avec les locaux! Hoyyââh? (Comment, vous n’aviez pas compris? C’est bien sur How are you). Et on s’est aussi bien planté avec le gaélique. La pauvre fille chargée d’accueillir les français au boulot ( nous étions 12 expats) arborait un badge avec son prénom: Aoife. Nous l’avons donc tous appelé Ouaf pendant plusieurs jours, jusqu’à ce qu’on apprenne que cela se prononce Ifa. Ou quand on a du aller à "dun-liri"…impossible de trouver ça sur la carte. Parce que ça s’écrit Dun Laoghaire.
2) Depuis combien de temps es-tu de l’autre côté de chez toi…
Bientôt 18 ans…ça y est je me sens vieille! Toute ma vie adulte en fait. Du coup, je ne sais pas du tout comme ça se passe en France, je ne me suis pas mariée en France, je n’ai jamais acheté une maison, accouché, utilisé une carte vitale, fait des réunions parents profs en France. Je suis complètement larguée.
3) Quels sont les mets qui te manquent le plus de ton pays d’origine ?
Pendant longtemps, en Irlande le fromage. En Angleterre, on trouve de tout, mais à prix d’or. Et comme je suis du Sud ouest, les confits, les magrets…toutes ces petites choses si légères, si parfaites pour la ligne.
4) Vis-tu à l’heure de ton pays d’accueil ou à l’heure de ton pays d’origine ?
Un peu des deux. On a tendance à faire les repas à la française, avec un goûter en rentrant de l’école et un repas du soir. Pour le reste, on vit à l’anglaise. Et on fait des irish breakfasts, le dimanche avec les saucisses, le boudin, les gaufres de pommes de terre, les haricots à la tomate et le bacon….bon d’accord, ce n’est pas mieux pour la ligne!
5) Une chose, un objet que tu as toujours trimballé au long de tous tes voyages…
Mon passeport! Je sais la réponse est facile, mais je ne vois rien d’autre. Quand nous sommes parti d’Irlande, nous n’avions que trois cartons: beaucoup de photos, quelques livres et les jouets des enfants. Oh, je viens de penser: un poster que nous avons acheté à Dublin, sur St Stephen Green. Notre premier achat pour notre premier chez nous irlandais, (attention, les locations sont toutes meublées en Irlande, on n’était pas complètement inconscient!) et on l’a toujours traîné avec nous et installé au dessus de nos cheminées successives.
6) Te sens-tu étrangère une fois par jour, une fois par semaine, de temps en temps, jamais..
De temps en temps, de plus en plus rarement. J’ai plutôt tendance à me sentir étrangère en France….
7) Songes-tu à un éventuel retour "chez toi" ?
Non!…bon, c’est un peu sec. Disons que je suis partie depuis trop longtemps. Et mes enfants ne sont pas français, même si ils ont la double nationalité.
8) Justement, que signifie pour toi l’expression "chez soi" ?
Ma maison du moment, avec Marichéri et mes enfants, quelque soit l’endroit où elle se trouve. Ce qui compte, c’est ma famille, pas le lieu où l’on habite. On a pas mal déménagé, sans toujours changer de pays. Alors, on a toujours fait en sorte de donner une stabilité à nos enfants dans notre vie de famille, dans l’affectif, pas dans le décor. Surtout que nos premiers décors étaient typiquement irlandais, la moquette vert pétard fleurie, le papier peint rouge, à rayures et ondulations roses et blanche, les tentures dorées à pompons aux fenêtres. Tout ça dans la même pièce.
9) Quelle est la leçon que tu tires, pour l’instant, de ces années d’expatriation ?
Oh, c’est une question difficile! Je dirais qu’il ne faut pas avoir peur de s’adapter. Ça ne veut pas dire renoncer à sa langue ou à sa culture (ou à son fromage), mais en découvrir une autre ( et le stilton. C’est un fromage bleu. C’est très bon). C’est bien pour ça qu’on part, non? Je ne pense pas qu’on puisse être heureux en essayant de recréer une vie "à la française" artificiellement.
10) Réponse à cette question que j’oublie de te poser et à laquelle tu voudrais tellement y répondre…
Euh…dernièrement, on m’a demandé pourquoi je voulais tant partir de France depuis toujours. Je crois que c’est prendre le problème à l’envers. On ne s’expatrie pas pour quitter un pays, mais en découvrir un autre.