Critique: MATCH RETOUR

Par Onrembobine @OnRembobinefr

Titre original : Grudge Match

Note:
Origine : États-Unis
Réalisateur : Peter Segal
Distribution : Sylvester Stallone, Robert De Niro, Kim Basinger, Alan Arkin, Kevin Hart, Jon Bernthal, Rich Little, LL Cool J, Anthony Anderson…
Genre : Comédie/Drame
Date de sortie : 22 janvier 2014

Le Pitch :
Dans leurs jeunes années, alors qu’ils régnaient sur les rings de boxe, Henry « Razor » Sharp et Billy « The Kid » McDonnen étaient réputés pour leur rivalité légendaire. Chacun eut l’occasion de battre l’autre lors de combats d’anthologie. Un affrontement qui prit fin lorsque Razor raccrocha les gants sans explication, laissant son adversaire en quête d’un troisième combat, le bec dans l’eau. Trente ans ont passé depuis cette époque et Razor et The Kid ne se sont jamais revus, entretenant chacun dans leur coin, une haine tenace.
C’est alors qu’un jeune promoteur, particulièrement opportuniste, décide d’organiser ce fameux troisième combat entre les deux champions désormais sexagénaires. Des champions d’abord réticents, qui décident malgré tout de se lancer dans l’aventure afin d’offrir à leur histoire un point final…

La Critique :
Il en fallait du courage pour accepter un projet pareil ! Mine de rien, la boxe occupe une place véritablement particulière pour les deux acteurs vedettes de Match Retour. Tout spécialement pour Sylvester Stallone qui consacra de nombreuses années à son alter égo, Rocky Balboa, qu’il créa dans les années 70. Rocky et ses six films, pour une saga qui a largement contribué à associer dans l’inconscient collectif, la boxe et Stallone. Il en fallait du courage donc pour enfiler à nouveau les gants, sans retrouver Rocky et tenter par là-même de renouer avec la comédie. Genre qui n’a jamais vraiment réussi à Sly, si on en juge les bides de Arrête ou ma mère va tirer et de L’Embrouille est dans le sac. Huit ans séparent Rocky Balboa dernier du nom et Match Retour. Huit ans durant lesquels Sly a continué vaille que vaille à tourner sans relâche, sans tourner le dos à son image et sans ignorer son âge. Ici, il se montre sans détours. Comme un mec de 67 ans, qui bien que tout à fait conscient du nombre de kilomètres qu’affiche son compteur, continue de monter dans les tours comme ces vieilles bagnoles de collection et leur gros moteur increvable.

Idem pour Robert De Niro, même si pour lui, la boxe n’a jamais tenu une place aussi importante. Raging Bull, Son film de boxe, remonte à 1980 et depuis, lui aussi n’a jamais passé trop de temps hors des plateaux de tournage. Son image est certes associée à celle de Jake LaMotta, ce boxeur à la grande gueule et au punch terrifiant complètement borderline, mais aussi à celle de nombreux autres personnages emblématiques (ou pas). Dans son cas, à 70 balais, le courage consistait à embrasser un rôle plus physique que d’habitude et à se frotter à un partenaire physiquement toujours au top, tout en paraissant crédible dans le rôle de l’adversaire coriace.
Car il suffit de voir De Niro dans Mon beau-père et nous, où il campe tranquillement un grand-père abonné aux pulls jacquards, pour douter de la pertinence d’un duel avec Stallone et ses 90 bons kilos de purs muscles, entretenus au fil de quatre décennies de musculation et de rôles dans des trips d’action où il passe son temps à exploser la tronche de types beaucoup plus jeunes.
Cependant, pas de problème si on évoque un match fictif entre le Rocky Balboa de Rocky et Jake LaMotta de Raging Bull. Même corpulence, même âge, les chances sont équitables. Justement, Match Retour part de ce principe. Premier bon point pour le film de Peter Segal : arriver à donner du corps à la rivalité entre Stallone et De Niro ! Chaque boxeur a ses qualités et ses défauts. On s’en doute, la puissance est du côté de Sly, tandis que le personnage de De Niro peut davantage compter sur son esprit stratégique et sa rapidité. Du coup, quand les deux se retrouvent face à face, les gants aux poings, nul ne sait ce qui va advenir. La magie qui animait les Rocky opère. On y croit, on vibre, comme devant un vrai match. Les coups font mal (Sly a chorégraphié les combats et ça se voit) et les enjeux émotionnels construits tout au long du film, trouvent un échos vibrant. En gros, ça marche à fond les bananes.

Peter Segal, le réalisateur, n’est pas un foudre de guerre. Son truc à lui, c’est la bonne vieille comédie qui tache, même si son Amour & Amnésie s’était avéré plutôt convainquant. Ici, heureusement, il s’efface derrière les deux légendes italo-américaines qui peuvent alors imposer leur présence. On aurait bien sûr préféré que Stallone se charge lui-même de la mise en scène, qui aurait gagné en force, en ampleur et sur de nombreux autres points. Mais voilà, c’est Segal qui shoote et au fond, ce n’est pas si mal. Match Retour, sur un plan formel, n’est pas un grand film. Au début, c’est même vraiment pas terrible, à l’image de ces effets-spéciaux ratés censés rajeunir les acteurs (au moins, le personnage de Kim Basinger est joué par sa fille). Il s’agit d’une œuvre correctement emballée, par un cinéaste méritant mais limité. La grandeur, il faut aller la chercher du côté des acteurs. Du côté de Sly et de De Niro. Particulièrement en forme, les deux camarades se retrouvent 17 ans après l’excellent Cop Land et visiblement, le plaisir est là. Il transpire dans chacune des scènes qu’ils partagent et contamine tout le long-métrage qui jouit d’une honnêteté flagrante et véritablement porteuse d’une émotion franche et sincère.
Stallone ne s’éloigne jamais trop de Rocky mais parvient quand même à faire exister Razor de manière indépendante. Les clins d’œil sont nombreux, attendus et jubilatoires (les œufs, les carcasses de viande…) et si l’acteur évolue en terrain connu, il cherche constamment à proposer autre chose, tout en conservant cette sensibilité unique, qu’il manie si bien, et qui animait déjà L’Étalon Italien.
Robert De Niro aussi redouble d’efforts. Depuis quelques films, Bob semble reprendre du plaisir à jouer. Son œil étincelle d’une motivation qu’on ne lui connaissait plus et qui faisait défaut à de nombreux films tournés à la va-vite au début des années 2000. Si il a complètement raté ses retrouvailles avec Al Pacino, dans le pathétique La Loi et l’Ordre (les torts sont partagés, Pacino aussi y est totalement aux fraises), il profite de sa nouvelle collaboration avec Sly pour revisiter une partie de sa légende et pour mettre sa tendance à cabotiner en sourdine. Tout à fait nuancé, que ce soit dans la pure comédie, ou dans un registre plus dramatique, De Niro surfe avec aisance sur un scénario balisé mais efficace, et insuffle lui aussi une sincérité bienvenue au métrage.
Ensemble, Sly et Bob, aidés par la toujours splendide et juste Kim Basinger, par le truculent Alan Arkin et par le solide Jon Bernthal (vu en Shane dans The Walking Dead), portent Match Retour vers les sommets. Même Kevin Hart arrive à faire marrer de temps à autre, même si son numéro se limite à une collection de mimiques chouravées à Eddie Murphy et à Chris Tucker.

Beaucoup n’auraient pas misé un copec sur Match Retour. À l’arrivée, quand retentit le gong qui annonce la fin du combat, on compte le total des points qui est impressionnant. Comme souvent chez Stallone, la question de l’âge est au centre de la problématique. Les vieux n’ont pas dit leur dernier mot. Il n’ont peur de rien. Ils affrontent n’importe quelle situation, évitent brillamment le ridicule et reviennent vainqueurs. Truffé de gags sur le décalage lié au temps qui passe, le film s’avère drôle plus qu’à son tour, et tant pis si tous ne font pas mouche (le passage des pubs reste l’un des plus réussis et renvoie directement à Rocky 2, qui voyait Rocky prêter maladroitement son image à des marques) . L’émotion prend dans ce cas le relais et permet de porter cette amitié cabossée entre deux cogneurs, à un niveau que beaucoup n’auraient pas soupçonné. Ici comme souvent, c’est le cœur qui fait la différence.

Nota Ben : Stallone sera de retour avec Rocky, dans Creed, un film centré sur le petit-fils d’Apollo Creed, lui aussi boxeur, coaché par Rocky. Un long-métrage réalisé par Ryan Coogler, avec Michael B. Jordan dans le rôle titre, qui se retrouveront respectivement derrière et devant la caméra après Fruitvale Station.

@ Gilles Rolland

Crédits photos : Warner Bros. France

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