Le Président de la République a marqué sa volonté d’accélérer et de renforcer la restructuration territoriale entamée sous Sarkozy et s’inscrit, en termes d’orientations, dans le droit fil de son prédécesseur avec une vision comptable de l’action publique et donc des réformes ayant pour but essentiel de réduire les coûts.
A peine la loi dite de Modernisation de l’Action Publique et d’Affirmation des Métropoles (MAPAM) vient-elle d’être définitivement adoptée à l’Assemblée nationale le 19 décembre dernier, que le gouvernement est sommé par le Président de rebattre les cartes de la réforme territoriale. Les projets de deuxième et troisième volets de l’acte III de décentralisation concernant les régions et les départements vont devoir être remaniés par le gouvernement pour tenir compte des injonctions présidentielles.
La révision de l’organisation territoriale version sociale-libérale s’attaque principalement aux régions et aux départements.
Le projet consiste pour l’essentiel à remettre en cause la clause générale de compétence, à accélérer la suppression des départements, en particulier ceux situés dans les grandes aires métropolitaines (à l’exemple de la métropole lyonnaise qui fait disparaître une partie du département du Rhône), et à faire évoluer le nombre de régions en les faisant passer de 22 à une quinzaine. Le pouvoir réglementaire des régions se verrait par ailleurs renforcé pour leur permettre d’adapter la loi en fonction des besoins locaux.
Le coup d’accélérateur social-libéral ne s’arrête pas là. Une nouvelle étape est franchie dans la chasse aux dépenses publiques en renforçant les incitations financières aux fusions et regroupements de collectivités et à la mutualisation des services. Les collectivités qui n’accepteront pas de réduire l’emploi et les services publics seront financièrement pénalisées.
C’est une amplification de la politique d’austérité budgétaire déjà engagée. En 2014, des coupes de 15 milliards sont programmées dans les budgets publics. L’acharnement à réduire la dépense publique doit se poursuivre entre 2015 et 2017, visant une économie de l’ordre de 50 milliards supplémentaires. Et comme dans la chanson, comme de bien entendu, les collectivités locales sont au centre du viseur gouvernemental dans sa chasse obsessionnelle aux dépenses publiques socialement utiles. Les services publics de proximité, les emplois publics, la démocratie locale sont ainsi une nouvelle fois attaqués, comme de bien entendu !
Ces mesures sont inacceptables. Ces attaques nuisent au maintien de la cohésion sociale, de la solidarité et de la démocratie de proximité. Elles confirment la volonté de concentrer les lieux de décisions aux mains d’« élus entrepreneurs », d’experts pour un monstre technocratique, sorte de démocratie administrative qui se substituera à la démocratie locale et dotés de pouvoirs exorbitants, régnant sur de vastes territoires, dans un déni total de démocratie représentative et sociale, et dans l’unique but de répondre aux exigences d’un système économique libéral toujours plus destructeur des services public et éloignant de plus en plus les citoyens des lieux de décision politique, du rapport de proximité citoyenne. Cette régression démocratique contribue à la perte de sens de l’action publique par le citoyen et surtout va renforcer l’abstention de citoyens de plus en plus éloignés des centres de décision.
Nous avons connu dans les années 60 des politiques publiques utilisant ces mêmes moyens pour ces mêmes urgences et nous connaissons le résultat de ces banlieues torturées par un urbanisme inhumain, source de tous les maux de notre société urbaine. Il aura fallu plus de 30 ans de décentralisation et le courage des maires pour corriger partiellement ces erreurs et redonner de l’espoir. Je tiens ici à rendre hommage au travail titanesque entrepris entre autre par un député socialiste dont le nom est au cœur de la décentralisation et qui fut le rapporteur de la Loi portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale (n° 84-53 du 26 janvier 1984), parue au JO du 27 janvier 1984 : Pierre TABANOU qui s’emploierait aujourd’hui je le pense avec la même détermination pour lutter contre ce dé tricotage institutionnel.
L’échelon communal a prouvé son efficacité, source d’équilibre et de cohérence des territoires et des politiques publiques, relai de proximité indispensable, reflet des choix et des aspirations légitimes des habitants, capable de créer des coopérations intercommunales intelligentes. Confisquer les compétences des maires en matière d’urbanisme au profit du monstre technocratique que représente la Métropole de Paris relève de la provocation et d’une méconnaissance de l’action publique territoriale.
Cette conception de l’organisation territoriale porte atteinte aux valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité de la République et plus particulièrement aux principes fondateurs de la République décentralisée : proximité, libre administration, autonomie financière, solidarité, cohérence nationale, égalité de traitement.
De telles solutions technocratiques et hyper centralisatrices éloignent les citoyens des décisions. Elles sont la négation, la fin décidée autoritairement des projets construits avec les habitants dans les communes, des dynamiques de territoires, et des coopérations entre collectivités.
Les défis métropolitains en matière de transport, de logement et d’urbanisme, d’aménagement du territoire, d’égalité d’accès, d’urgence sociale, d’écologie et de relance industrielle méritent tout autre chose ! Ces défis doivent s’appuyer sur tous les projets issus des territoires décidés avec les citoyens dans chaque commune et intercommunalité et coordonnés avec les départements et régions, appuyés sur des services publics et des politiques de lutte contre les ségrégations sociales. L’État ne doit pas abandonner son rôle de garant de l’égalité entre les territoires, son devoir de solidarité nationale au nom de la réduction des dépenses publiques.
Il faut pouvoir organiser des référendums, même si les questions sont complexes comme le déclare le Premier Ministre. Un référendum ou des consultations locales pour que les français s’expriment et donnent leur opinion, tranchent comme ce fut le cas en Alsace en 2013 et en Corse en 2003. Le gouvernement a peur de la réponse des français qui comprendront mal pourquoi l’échelon de démocratie territorial le plus proche de leurs aspirations viendrait à disparaître, à être vidé de tout contenu et sens. Exigeons cette expression démocratique directe. Nous allons en mars et c’est un comble élire des conseils municipaux dont les élus seront dessaisis de leurs prérogatives, de leurs projet dès le 1er janvier 2016 au profit d’un conseil territorial où les communes perdront leur identité. C’est inacceptable. Et sous forme de boutade je comprends bien pourquoi le candidat socialiste local, P. Bedouret, désire tant être maire; c’est qu’il serait vite dessaisi de tout projet, de tout pouvoir, et qu’ainsi le vide de ce qu’il nous propose en forme de projet pourrait passer inaperçu et que cette Métropole serait la manne où se dissoudrait l’incompétence de son équipe !