Miriam, juive hongroise qui a fui le nazisme et est, 65 ans plus tard, new-yorkaise, est bouleversée et se sent trahie, quand son fils lui annonce qu’il va s’installer
à Berlin avec sa compagne suédoise. Le comble de l’ironie est que pour cela, il serait de bon ton qu’il acquière la nationalité de sa mère et soit ainsi reconnu
comme citoyen européen.
Tous les terribles souvenirs et traumatismes refoulés de Miriam remontent à la surface, rendant pour elle la décision de son fils inacceptable, inconcevable.
Même sa propre mère ne comprend pas l’ampleur de sa réaction. Miriam jette dans un premier temps les formulaires de naturalisation de son fils, avant de les remplir,
et décide de se rendre au vernissage d’une exposition de ses planches, au musée juif de Berlin.
Et elle joue le jeu, entreprenant un régime pour rentrer dans son tailleur, se faisant blanchir les dents, pratiquant son yoga en regardant les chaînes de tv allemandes,
elle est même hystérique quand l’irruption du volcan islandais menace de compromettre son voyage…
Mais sur place, elle somatise et se rend malade. Puis, avec une mauvaise foi assumée — qu’elle compte bien exploiter à fond dans son livre — elle s’étonne, s’énerve même,
de l’efficacité allemande, de la qualité de leurs petits déjeuners, de la beauté de leur design…
Et pourtant, peu à peu, de guerre lasse, se laissant aller, acceptant les bienfaits du temps qui a passé, elle glisse doucement de la colère à l’apaisement.
Lâcher prise, c’est accepter ses limites ! Lâcher-prise, c’est abandonner une illusion, celle de la séparation. Par un apparent paradoxe, l’autre à la fois disparaît – nul ne peut plus m’être essentiellement étranger – et se trouve comme jamais reconnu dans sa différence existentielle. Le moi séparé cesse d’être l’étalon, la mesure de toute chose. Il n’y a plus de moi pour exiger de l’autre qu’il se conforme à mes critères. Le lâcher-prise se produit dès lors que le moi accepte de l’autre, de tout autre, qu’il soit autre. Voilà pour l’analyse –un peu- philosophique de l’œuvre de Miriam Katin, qui est à la fois une jolie chronique de vie et un beau carnet de voyage. L’auteure traite de sujets personnels, sur fond de souvenirs douloureux de la shoah. Son acceptation par amour de son fils de ce qui pour elle était l’ennemi. C’est une belle preuve d’amour maternel, un long chemin avec beaucoup d’humour. Coté graphisme, le trait peut parfois paraître simple, néanmoins, il apparaît plein de douceur et de poésie.
Cette sortie hivernale à pour moi un petit parfum de printemps, une valeur sure de ce début d’année.