Longtemps je n'ai pas compris l'intérêt du mot "mariage", et encore moins son contenu. Peut-être bloquée par le divorce houleux de mes parents, voyant ma mère en larmes, cherchant à nous protéger des mots, des colères et surtout d'une rupture irrémédiable, elle nous protégeait de cela. Et pourtant nous avions compris, touchées, moi et ma soeur par les douleurs invisibles mais plus encore libérées, le jour où nous sommes parties vivre ailleurs.
Certes longtemps l'image des hommes n'était que synonyme de lacheté, avec de pâles justifications de leurs actes, de leurs silences et de leurs impossibles façons d'exprimer des mots pour aimer même ses filles, oui mon père était les hommes. Je l'ai rejeté en masse à l'adolescence, vomissant dans sa voiture en sentant son parfum, sa présence, avec les semaines alternées qui fûrent vite soldées. J'ai refusé ce divorce, j'ai accusé mon père sans les explications de ma mère. J'ai haï cette situation et toujours les hommes avec.
Et pourtant le monde autour de moi voyait des couples parfaits se défaire après vingt ans de mariage, pourquoi se mentir si longtemps. Puis les copines, ma soeur qui divorçait après trois ans de vie avec ce beauf, avec un gamin sous le bras, une histoire évidente, une ritournelle pour ma mère, un jeu de roue qui tourne. Les statistiques étaient aussi criantes de vérité que les annonces et les larmes des amies, et leurs arrivées en pleine nuit dans mon studio. J'avais rebaptisé mon canapé en "Paradis des pleurs" avec oreillers absorbants, et mouchoirs sur la table du salon.
Mais lui, ce type qui m'a prise dans ses bras, consolé de cette vie absurde, aimé simplement avec des petits plats, avec une sensibilité étonnante, malgré mes colères, malgré mes phrases blessantes, malgré ce père jamais digeré. Il m'a expliqué les hommes, du moins ceux que je voyais, et ne m'a pas caché être aussi un mâle. On a ri, on est parti vivre loin de tout cela, deux ans de vie à l'étranger, un duo soudé, amoureux. Aujourd'hui il me dit qu'il m'aime chaque matin, le soir aussi, m'embrasse.
Et hier au soir, dans mon bain, il était là à genoux, un écrin avec deux flûtes de champagne. Il m'a demandé ma main, à l'ancienne. Pourquoi moi ?
Car longtemps je n'ai pas cru à un mariage, à ce pacte inutile, peut-être même à l'amour. Aura-t-il été assez convaincant ? Sera-t-il assez fort pour être mon super-héros, fort et sensible à la fois ? Me protégera-t-il de moi, de mes doutes ? Sera-t-il un papa, un mari ... mon mari ?
Nylonement