Leur réunion intervient la veille de la conférence de presse de François Hollande. La date n’a pas été choisie au hasard. « Nous souhaitons contribuer à la réflexion et à l’action présidentielles », explique M. Maurel. « Nous voulons montrer que les réponses pour la fin du quinquennat se trouvent plus que jamais à gauche, et pas dans un compromis passé avec le patronat », précise Mme Lienemann.
Pour l’aile gauche du PS, le « pacte de responsabilité » avec le Medef, présenté par le chef de l’Etat lors de ses vœux aux Français le 31 décembre 2013, constitue un véritable « tournant » du quinquennat, mais dans une direction qui ne lui convient pas. « Nous attendons des précisions du président sur le contenu de ce pacte. Mais après le CICE en 2012, il est hors de question que de nouveaux avantages financiers soient accordés aux entreprises sans contreparties pour les salariés », prévient M. Maurel.
Maintenant la gauche entend notamment s’opposer à « un transfert des cotisations sociales sur les ménages » et plaider pour « des accords de branches plutôt que des accords d’entreprises, afin que les syndicats puissent peser dans les discussions sociales ».
« Il faut des contreparties claires et contrôlées, notamment en termes de salaires et d’embauches, et la possibilité de reprendre aux entreprises les aides accordées en cas de non-respect des engagements », explique Mme Lienemann. « Le redressement économique, que nous défendons, ne peut pas passer uniquement par des avantages au patronat en échange de rien, il faut du grain à moudre pour les travailleurs », ajoute M. Maurel.
L’aile gauche du PS, qui avait soutenu en décembre 2013 la « remise à plat fiscale » engagée par Matignon, souhaite que celle-ci soit « suivie des faits ». Alors que beaucoup de socialistes dans la majorité doutent de la voie prise par l’exécutif à deux mois des élections municipales et craignent un enterrement du dossier fiscal, Maintenant la gauche en fait toujours « une question majeure » pour reconquérir les couches populaires et moyennes.
BAISSE DES DÉPENSES : « NOUS SOMMES DÉJÀ À L’OS »
Dans le même sens, le trio socialiste, qui plaide depuis des mois pour un « plan de relance » par l’investissement public, s’oppose à une nouvelle étape dans la baisse des dépenses publiques. « Nous sommes déjà à l’os, nos concitoyens n’accepteront pas de nouvelles coupes sauf à remettre en question notre modèle social et les capacités de l’Etat à intervenir dans l’économie », s’inquiète M. Maurel.
La question européenne devait être aussi au centre des vœux de la réunion de lundi. A six mois des élections européennes, qui seront difficiles pour les socialistes, l’aile gauche estime qu’« il est indispensable de rappeler la stratégie d’une réorientation de l’Union européenne contre les politiques d’austérité menées sur le continent », comme l’avaient ratifié les militants socialistes lors de la convention du parti sur l’Europe en juin 2013. « Nos électeurs ne voteront pas pour la ligne du SPD allemand », prévient Mme Lienemann, alors que le PS travaille à l’élaboration d’un manifeste programmatique réunissant tous les partis sociaux-démocrates européens.
La minorité du PS, qui a recueilli plus de 13 % des voix au congrès de Toulouse en 2012, entend mettre la pression sur la direction de la Rue de Solférino et son premier secrétaire, Harlem Désir, pour que « le parti reprenne pleinement son rôle et son autonomie » vis-à-vis de l’exécutif. « Si le président de la République décide seul de tout, à quoi servent le PS et le Parlement ? », demande M. Maurel, qui préconise à la gauche socialiste « une cure détox contre la Ve République » et invite ses camarades à « se souvenir des critiques contre le régime que nous avons tous formulées dans l’opposition sous l’ère Sarkozy ».
L’aile gauche a dans son collimateur la mise en œuvre d’ordonnances gouvernementales pour accélérer la procédure parlementaire, évoquée par M. Hollande le 31 décembre. « Attention à la dérive de l’ultra-présidentialisation ! », alerte Mme Lienemann.
Mauvaise conscience du pouvoir depuis vingt mois, l’aile gauche du PS n’entend pas rester silencieuse en cette année électorale et avant le débat budgétaire de l’été, qui s’annonce périlleux. Cette position de fermeté a déjà valu à MM. Désir et Maurel un échange musclé lors du bureau national du PS mardi 7 janvier, au cours duquel le premier secrétaire du PS a reproché à son camarade ses critiques permanentes.
« Nous ne critiquons pas par plaisir ni par posture, nous voulons simplement jouer notre rôle idéologique à gauche face à la double offensive politique et économique menée par le Medef et par l’extrême droite. N’attendons pas les défaites électorales pour nous réveiller », répond Mme Lienemann.