Aux plus jeunes, le nom de Raz Ohara évoque sans doute peu de choses. Un remix d’Acid Pauli aux consonnances orientales peut-être. Le vague souvenir d’une collaboration avec The Odd Orchestra. Quelques mentions discrètes sur une poignée de maxis sortis chez Get Physical tout au plus. Il n’en reste pas moins que Raz Ohara fait figure de compositeur majeur dans le paysage de la pop contemporaine. La preuve : son nouvel album Moksha - modèle d’élégance qui sappe à la première écoute les douze années d’impatience le séparant de The Last Legend. En effet, quand de nombreux artistes sacrifient leurs compositions à l’urgence médiatique, Raz Ohara lui, s’en remet aux temporalités mystiques et règle la sortie de son nouvel album sur « le cycle complet des expériences » – condition sine qua none d’une régénération possible vers une conscience supérieure. Alors forcément, d’un point de vue business c’est sans doute pas le top mais qu’importe, car, comme il le dit lui-même : « pas besoin de s’inquiéter (…) D’ici la fin des temps j’aurais incarné l’ensemble des versos et gravé les sept mers dans un grain de riz. »
Amen
Le moins que l’on puisse dire, c’est que Raz Ohara sait se renouveler (où renaître, c’est selon). Ceux qui ont fréquenté The Last Legend risquent d’être fort surpris par Moksha tant les différences qui séparent les deux albums sont radicales. Aux archives le long chapelet des ballades écorchées. Fini les gros slides acoustiques baveux et la voix d’adolescent fredonnant. Raz a troqué ses arpèges de beach pour une poignée de productions travaillées au ciseau. La structure de Moksha prend le contre-pied de The Last Legend. Huit morceaux oscillant entre quatre et huit minutes contre dix-sept de deux ou trois minutes en moyenne. De longues parties instrumentales aux sonorités raffinées se déployant dans des structures complexes contre l’énergie et la spontanéité des rythmiques pop-folk. Une évolution significative dans l’usage du chant et une voix sans cesse décentralisée au profit des compositions qui la soutiennent. Un autre monde donc. Et un monde dans lequel on a envie de se balader encore longtemps.
En un tour de force remarquable, l’album séduit dès la première écoute et se bonifie à la relecture. D’un côté, l’économie avec laquelle Raz distribue sa voix dispense de tout effort d’écoute et garantit l’efficacité pop de l’ensemble – culminant dans True Love Will Find You In The End. De l’autre, la complexité et le raffinement des parties instrumentales assure un intérêt durable pour l’album. L’élégance des sonorités choisies, la précision dans l’utilisation des effets et le travail des matières sont perceptibles à chaque mesure. L’utilisation de structures propres au rock progressif et les passages spoken word ajoutent une dimension narrative qui contribue fortement à la cohérence d’ensemble. Nul besoin d’en dire plus. Moksha est une réussite et nous sommes conquis – avec une mention particulière pour les trois derniers titres Beija Flor, Moksha et Light.
Evidemment, ce genre de prouesse rend curieux et l’interview était de rigueur. Mais autant vous prévenir tout de suite, les voix du Raz sont impénétrables et manifestement nos questions ont dû s’égarer quelque part dans les méandres du dharma…
Interview Raz Ohara
Bonjour Raz Ohara et merci de nous accorder cette interview. Commençons par une question classique, est-ce que tu peux te présenter ?
Hello Raz Ohara and thank you for answering our questions. Let’s start with a classic, can you introduce yourself?
Hello! Je m’appelle Raz Ohara, je viens de faire un album et je l’ai intitulé Moksha, c’est pourquoi je veux en faire la promotion dans le but de faire des concerts à travers le monde avec des amis. Nous voulons donner naissance à des nuits inoubliables et que surgisse l’inattendu. Nous voulons aussi unir les gens et les guérir – les années passant, de nombreuses personnes à travers le monde nous ont écrit des lettres disant que la musique leur avait sauvé la vie, ou fait rompre avec leur épouse, ils peuvent ainsi vivre heureux et enfin embrasser leur existence infinie et clémente jusqu’à leur accomplissement. As-tu déjà vu quelqu’un marcher dans la rue, jamais pressé, les yeux rivés vers le ciel en quête du soleil, et te souriant au moment où tu en avais besoin ? Oui, ce sont ces gens dont je te parle. Ceux qui n’ont pas oublié ce qui ne leur a jamais été dit. C’est ça, bien facile, eh ?
Hello! Yes, hi my name is Raz – I did an album and named it Moksha – herewith I want to promote it in order to play shows all over the world with some friends. We are willing to create unforgetable nights and make the least expected happen. We also want to unite and heal people – lots of people have written letters throughout the years and from all over the world, saying the music had saved their lives, or made them break up with their spouses so they could live happily and everly onwards embracing their never ending and forgiving existence til fullfillingness. Ever seen people walking down the street, never in a hurry, looking up on the sky reaching out for the sun, and, giving you a smile right there when you need one? Yes, them people I am talking about. Those who did not forget what they´ve not been told. C´est ça, bien facile, eh?
Douze années séparent The Last Legend de Moksha, pourquoi avoir attendu si longtemps avant de sortir un nouvel album ?
It has been twelve years since The Last Legend, why did you wait so long to make Moksha – your new album?
Mon ami, douze représente le cycle complet des expériences et lorsqu’un individu se réincarne en chiffre 12, cela signifie qu’il a accompli le cycle des expérience dans sa totalité et qu’il a appris à se régénérer vers une conscience supérieure. Donc, pas besoin de s’inquiéter.
My friend, 12 represents the completed cycle of experience and when an individual reincarnates as the number 12 they have completed a full cycle of experience and learned of the possibility of regeneration toward a higher consciousness. So, no need for worries.
En douze ans, de nombreuses choses ont changé, aussi bien dans ta vie personnelle que dans le monde en général – je pense notamment au fonctionnement de l’industrie musicale avec la banalisation d’internet et des technologies digitales. Peux-tu nous parler un peu de cette période ? Comment ces évolutions ont influencé ton travail et la composition de Moksha ?
In twelve years, many things have changed, both in the world and in your personal life – I am thinking more specifically of music industry’s transformations and how internet and digital technologies have become a usual practice. What do think about this new era for music? Do these transformations have influenced Moksha’s composition and your work in general?
Ces transformations ont le droit d’exister et peuvent nous aider à mieux nous comprendre nous-mêmes pour en définitive nous guider vers notre vraie nature. Je dois m’efforcer de ne pas m’en soucier quand bien même elles semblent étranges, obsolètes ou aller à l’encontre de l’amour que nous partageons.
Moksha n’a rien à voir avec le worldwideweb et par conséquent n’a pas été influencé par ces transformations de quelque façon que ce soit.
These developments have a right to exist and they help us to understand ourselves better and eventually lead us to our true nature. I shall not try to get uneasy about them, even if they seem awkward, obsolete, or against the love we share.
Moksha has no idea of the worldwideweb and has therefore not been influenced by these developments in any ways.
De nombreux musiciens prétendent que le téléchargement et l’effondrement de l’industrie du disque les ont poussés à produire des titres essentiellement taillés pour le live. Est-ce que c’est un sentiment que tu partages ?
A lot of musicians claim that the increasing number of downloads and the collapse of recording industry have brought them to focus on live tracks composition. Is it a feeling that you share?
Les musiciens sont des gens formidables et je veux partager leurs sentiments autant que possible. Néanmoins, je ne fais pas partie de leur groupe et mon travail a d’autres motivations. Je tambourrine à mains nues toute la nuit jusqu’à l’aube. Rejoins-nous de l’autre côté, nous t’y attendrons.
Musicians are great people and I want to share their feelings as much as I can. However, I don´t belong to that group and my work has other motives. I am drumming the framedrum with bare hands tonight til the awakening of dawn. Come join us on the other side, we will be there waiting for you.
Comparé à d’autres musiciens qui sont très présents sur les réseaux sociaux, tu sembles plus réservé et communiques assez rarement sur la toile. Est-ce une discrétion volontaire ou simplement une indifférence de ta part ?
Compared to other musicians that are very active on social networks, you seem rather reserved and rarely share on the web. Is discretion something that you value or is it just that you don’t really care for that kind of things?
Les deux – comment as-tu deviné ?
It´s both – how did you know ?
A l’écoute de ta discographie, j’ai été bluffé par la distance qui existe entre Real Time Voyeur et Moksha. Plus qu’une simple évolution, chaque album témoigne d’une véritable recherche musicale qui semble liée à des périodes extrêmement distinctes de ta vie. Comment expliques-tu la différence radicale qui sépare tes différents albums ?
When I listened to your full discography, I was struck by the distance there is between Real Time Voyeur and Moksha. Rather than a simple evolution, each album demonstrates a real musical research that seemed to be linked at very different periods of your life. How do you explain such a radical difference between each of your albums?
D’ici la fin des temps j’aurais incarné l’ensemble des versos et gravé les sept mers dans un grain de riz
By the end of time I will have worn all the faces of the cards and carved the seven seas on a grain of rice.