Il est là, posé, gélatineux, inerte et flasque. Mais à la moindre secousse, il ondule et il danse. Il glisse, comme s’il cherchait à fuir hors de lui-même. Il bouge au gré des impulsions et réagit en conséquence en des mouvements répétitifs et gracieux d’athlète obèse et huilé. Il s’agite vainement, comme au ralenti, et sur lui la lumière se reflète, sublimée et hypnotique. Presque beau dans ses gestes stériles, il s’agite vaguement, mais n’apporte rien.
Et à part un truc à base de peau de cochon mort, c’est quoi un flan ?
Ami lecteur, le flan est un personnage que tu as probablement déjà croisé. Peut-être l’as-tu rencontré, peut-être es-tu déjà sorti avec, peut-être le connais-tu sous le nom de « plante verte » ou de « putain mais il/elle ne sert à rien, l’autre là ! ». Le flan c’est cet être inerte et mou que tu as certainement déjà voulu secouer de toutes tes forces, gifler, insulter, ou qui a peut-être stimuler ta fibre hyperactive latente tandis que tu te pensais calme par nature. Le flan c’est cet être qui brille par son inutilité et par l’absence de ce qu’il offre à son environnement social.
Souviens-toi à l’école, c’est l’élève au fond de la classe qui ne fait jamais de vague. Ni bon ni mauvais, tu n’es pas certain d’avoir déjà entendu le son de sa voix, d’ailleurs, c’est quoi son nom déjà … ?
Aujourd’hui, le flan, c’est par exemple, au bureau, le mec qui va manger/prendre un café/fumer seul. Ou ce petit chef anti-charismatique qui tente des bribes d’autorité mais qui avorte dès que tu esquisses un regard appuyé. Ou encore, en soirée, c’est cette pièce rapportée, comme la copine du mec qui est pote avec le meilleur pote de l’organisateur de la soirée. Bref, le flan ne s’affirme pas, et, pour ce qui est des exemples précédents, notons que le flan est, généralement, tout simplement quelqu’un qui n’est pas dans son élément et qui gère ce malaise par le silence, un sourire crispé, et une passivité à faire pâlir un commentateur d’eurovision.
Et dans le couple ?
Nous y voilà. Typiquement, et pour dire les choses trivialement, si tu sors avec un flan (un vrai) et que tu es honnête avec toi-même, tu constateras que, dans une certaine mesure, que tu sois avec ou non, ta vie n’est pas si différente.
En effet, le flan est incapable de toute initiative. Il ne te proposera donc rien de particulier que ce soit en termes d’activités, comme d’un point de vue strictement intellectuel. Non pas que le flan soit paresseux ou bête, que nenni, ça ne lui viendra simplement pas à l’esprit.
Ne t’attends pas à l’inattendu ! La surprise n’est pas le fort du flan. C’est un être plan-plan, confortable dans ses crèmes habitudes et le caramel collant de ses chaussons.
Alors certes, il suivra le mouvement de tout son cœur en gélatinant de-ci de-là, mais alors, avant toute chose, à toi de développer des monstres d’énergie afin d’instiguer l’action et de lutter contre son inertie initiale.
En revanche, le flan ne s’opposera généralement pas à ce que tu lui proposes, ce qui peut présenter un avantage évident quand il faudra présenter un sacrifice humain en offrande lors de tes cérémonies satanistes hebdomadaires.
Discret, le flan est toujours présentable en société. Il sait faire des sourires, et s’il est attentif à son environnement, il saura même adopter les attitudes standards escomptées selon les évènements. Il saura donc rire, avoir l’air triste, et répondre aux questions éventuelles, au bon moment.
Par ailleurs, si tu as eu l’intelligence de le choisir agréable à l’œil, tes amis et tes relations se feront une joie de te complimenter sur ton acquisition se montrer enthousiastes pour votre relation.
Comment savoir si je ne suis pas un flan ?
Ami lecteur, prépare-toi à ce qui va suivre : tu es toujours le flan de quelqu’un.
Admettons que, dans le meilleur des cas, tu n’étais pas l’une des têtes-à-claques introvertie du fond de la classe, que tu ne déjeunes jamais seul au bureau comme un autiste asocial, et que tu ne te rendes que dans des soirées où tu connais tout le monde, malgré tout cela, tu as nécessairement connu, ou tu connaîtras, ces moments de solitude où tu ne sais pas trop quoi faire, comment agir, et où, dans le doute, tu ne fais rien. Appelons ces moments des « instants flamby ».
Sache que ça peut arriver en de multiples circonstances ! Mais particulièrement dans le couple, tu te gélifieras instantanément quand tu rencontreras les amis de ta moitié pour la première fois. Eux, en groupes, avec leurs private jokes pourries tirées d’un vieux film qu’eux seuls ont vu et de la multitude d’aventures qu’ils ont partagé, et toi, en retrait, à sourire bêtement.
Tu pourras te gélifier tout aussi rapidement face à ta belle-famille lors d’un premier repas, quand tu voudras aider à débarrasser la table pour faire bonne impression mais tu ne sauras pas où poser ce que tu as en main ou toute autre activité participative. Bref, dans tous ces petits moments où tu lâches les rennes, où tu perds le contrôle de la situation et tu souris bêtement.
Flan : le bon plan
Mais au-delà de ce que d’autres peuvent penser de toi, ami lecteur, tu sais qu’être un flan a du bon. Loin de toi les vaines préoccupations pour organiser une soirée ou un évènement, ta moitié se charge de tout. Inutile de te prendre la tête pour une activité ou une sortie, ta moitié a déjà tout planifié. Ta passivité n’a d’égale que sa proactivité, aussi, tu t’épargneras bien des devoirs et des tâches épuisantes et rébarbatives. Et puis si vraiment elle en a assez de tout faire pour vous deux, elle te demandera et tu n’auras qu’à suivre ses consignes sans trop avoir à réfléchir. Bon sang, mais quel confort, quel soulagement que de ne pas avoir à te soucier de ces choses superficielles et abrutissantes.
Enfin, avantage ultime, en cas d’échec, personne ne pourras s’en prendre à toi, tu n’aurais rien organisé, tu n’auras touché à rien, et si c’est le cas, tu ne l’auras fait que sous la supervision de quelqu’un (ou tu auras su dissimuler les preuves à charge), tu ne peux en être tenu pour responsable !
Ami lecteur, tu l’auras compris, le flan met la patience des autres et de sa moitié à très rude épreuve. Mais chaque flan peut trouver une moitié suffisamment directive, régente et hyperactive pour équilibrer un couple caricatural jonglant entre deux extrêmes. Ainsi chacun peut trouver l’amour au détour d’un chemin boueux, le pied dans un piège à ours, et peupler de monde de petits kevins. Et ça c’est beau.