« Nous sommes trop nombreux sur Terre ». C’est le message urgent que délivre Alan Weisman dans son dernier ouvrage Compte à rebours, dépeignant une crise démographique dévastatrice pour la planète que seule la limitation de la population pourrait écarter. Une vérité dérangeante que l’auteur décortique avec brio.
À l’heure où le nombre d’habitants ne cesse d’augmenter, quels sont les risques réels liés à une surpopulation mondiale ?
Il semble insensé de nier plus longtemps l’impact néfaste de l’activité humaine sur la Terre. Bien qu’évoluant au sein d’un écosystème complexe,
Durant le siècle dernier, la population mondiale a quadruplé sans que soit développé un système énergétique à la fois propre et suffisamment puissant pour satisfaire les besoins de 7,2 milliards d’habitants… et bientôt 9,6 milliards à l’horizon 2050. Si beaucoup de personnes ont du mal à comprendre que ce chiffre est anormalement élevé, c’est parce que nous avons tous connu ce monde ainsi, à notre naissance. Mais la nature n’avait pas prévu l’invention du vaccin ni le progrès industriel, autant de découvertes qui ont augmenté l’espérance de vie ainsi que le nombre d’être humains sur terre.
Cependant, dans les pays dits « riches » – principalement responsables de la surexploitation des ressources – le taux des naissances baissent. Comment réduire le nombre d’habitants sans faire payer les états « pauvres » pour leurs erreurs ?
La population de chaque état, riche ou pauvre, devra diminuer durant les prochaines générations si nous voulons avoir une chance de rétablir un quelconque équilibre. Il ne s’agit pas de payer pour les erreurs passées, car tous les habitants ont besoin d’énergie, pour s’éclairer, se déplacer, se chauffer, etc. Sachant que les technologies actuelles ne sont pas en mesure de la rendre entièrement propre, la solution restante consiste à limiter le nombre de consommateurs. Et même si nos énergies étaient « vertes », d’autres problèmes persisteraient, notamment l’accès à l’eau potable – une ressource qui se raréfie – ou encore l’épuisement des sols conséquent aux engrais chimiques utilisés pour la production alimentaire mondiale.
Pensez-vous qu’une politique de « réduction des naissances » pourrait changer la donne ?
Alan Weisman est professeur, journaliste américain et auteur des livres "Homo disparitus" et "Compte à rebours".
On croit souvent que seule la croissance mène les pays au développement et donc au « bonheur ». Néanmoins, mon livre contient plusieurs exemples d’états (Iran, Costa Rica, Mexique ou Bangladesh) qui avaient compris que la surpopulation, à terme, nuirait à leur évolution. En Thaïlande notamment, la mise en place de plannings familiaux a permis d’inverser la tendance et de favoriser l’une des économies les plus prospères en Asie du sud. La contraception et l’éducation des femmes sont d’ailleurs les meilleures solutions pour répondre à ces enjeux.
Vous comparez notre présence sur la terre à une forme de « monoculture vorace », engloutissant les ressources au détriment des autres espèces. Comment rétablir l’équilibre ?
Réduire la démographie permettrait de partager les ressources plus équitablement avec les autres espèces, essentielles à l’écosystème et à notre propre survie. Nos ancêtres l’avaient d’ailleurs très bien compris : dans l’histoire biblique de l’arche de Noé par exemple, Dieu sauve l’humanité de concert avec les animaux, car le monde ne peut tout simplement pas tourner sans eux.
Changer les habitudes de consommation sans réduire le nombre d’habitants ne suffirait pas, à votre avis?
Des habitudes plus vertueuses seraient bénéfiques, bien sûr. Mais les êtres humains auront toujours besoin de nourriture et personne ne se contraindrait volontairement à en consommer moins. La démographie actuelle nous oblige déjà à occuper trop d’espace pour assurer la production alimentaire de masse, sans pour autant résoudre problème de la faim qui touche 1 à 2 milliards d’habitants dans le monde. Quant à la consommation, il parait difficile de s’en « préserver ». Même si chacun des 7,2 milliards d’Hommes fait son maximum pour consommer moins d’énergie, cet effort sera insuffisant pour arrêter le réchauffement climatique, la pollution et la diminution des ressources en eau. Si les révolutions industrielle et verte ont retardé la concrétisation des thèses malthusiennes, il me semble difficile de contredire ses prédictions.
La croissance du nombre de naissances coïncidant avec l’augmentation de l’espérance de vie, combien de temps la planète pourra-t-elle encore tenir à ce rythme ?
Nous avons dépassé la limite depuis longtemps déjà. Les prévisions démographiques annoncent plus de 9,6 milliards d’habitants sur Terre d’ici 2050, sachant que ce chiffre ne s’en tiendra pas aux taux de naissance actuels, pour s’élever jusqu’à 11 milliards après 2100.
Pour être franc cependant, je crois qu’à ce rythme une catastrophe environnementale arrivera bien avant que l’on puisse atteindre ce nombre, à moins de prendre les choses en main et aller vers une démographie « soutenable ». Changer de paradigme ne nécessite pas forcément l’intervention étatique ou le contrôle des naissances, il faut laisser aux individus la liberté de décision en leur faisant simplement comprendre qu’avoir moins d’enfants serait bénéfique à plusieurs titres, jusqu’à ce que la population revienne au niveau préconisé.
Interview réalisée pour Le Courrier du Parlement.