Pourquoi tant de pauvres ne peuvent-ils pas améliorer leur sort ?
Publié Par Libre Afrique, le 21 janvier 2014 dans Économie, InternationalLa proposition selon laquelle les inégalités injustes existent toujours, signifiant que les riches s’enrichissent et les pauvres s’appauvrissent, peut encore être trompeuse et dangereuse.
Par Alejandro Chafuen, depuis les États-Unis.
Un article de Libre Afrique.
Alors que l’Église et les moralistes chrétiens ont toujours parlé des riches et des pauvres, et ont condamné ceux qui ont mis la fortune, ou tout autre chose, au-dessus de la vie éternelle, ce n’est qu’au 20ème siècle que les autorités de l’Église ont commencé à faire fréquemment des déclarations sur le nombre des riches et des pauvres. Le Pape François en est le dernier exemple. Il écrit dans sa dernière exhortation apostolique « Alors que les revenus d’une minorité sont en croissance exponentielle, il en est de même pour le fossé séparant la majorité de la prospérité dont jouissent quelques heureux élus ».
Pendant le 20ème siècle, les inégalités de richesse à l’intérieur et entre les pays, sont devenues un sujet de prédilection chez les intellectuels de diverses tendances. Vladimir I. Lénine (1870-1924) a développé ses théories de l’impérialisme portant sur le thème des nations continuant à s’enrichir alors que d’autres continuent de s’appauvrir. Son point de vue sur la façon dont les pays capitalistes riches exploitent d’autres pays continue d’influencer le monde d’aujourd’hui. L’italien Corrado Gini (1884-1965) a développé une méthode pour mesurer l’inégalité appelée le coefficient de Gini. L’écart entre les riches et les pauvres, tel que mesuré par cet indice, a conduit à de nombreuses études qui ont commencé à influencer récemment les moralistes de tous bords, y compris ceux de l’Église catholique. Au cours de la seconde moitié du 20ème siècle, l’économiste argentin Raúl Prebisch (1901-1986) a développé une théorie de centre-périphérie proche de celle de Lénine. Il a déclaré que tel que les cartes ont été distribuées, il était inévitable que les pays riches au «centre» continuent de s’enrichir et d’exploiter les pays pauvres se trouvant à la «périphérie ».
Dans sa lettre encyclique « Caritas in Veritate » (2009), le pape Benoît XVI a répété ce que « Jean-Paul II a déjà observé : la ligne de démarcation entre pays riches et pauvres n’est plus aussi claire qu’elle était à l’époque de l’encyclique Populorum Progressio (1967) » (CV, 22). Il a reconnu que la richesse du monde est croissante en termes absolus, mais « les inégalités sont en hausse » et « le scandale de disparités criantes » continue (CV, 22). Le Pape Benoît a mentionné que la corruption exacerbe le problème, mais il a oublié que ce sont précisément ces pays avec plus de liberté économique qui présentent un niveau de corruption plus bas, et des niveaux plus élevés de développement économique et humain.
Le riche peut, et autrefois a pu, s’enrichir aux dépens des pauvres. Cela se produit quand ils « capturent » le gouvernement et réduisent les opportunités pour les pauvres. Lorsque Paul VI et d’autres autorités religieuses parlent d’un système économique « laissé à lui-même », ils signifient réellement ce qu’ils disent. Il s’agit d’un système où les hommes d’affaires font les règles pour leur propre avantage plutôt que de travailler dans un cadre d’État de droit. C’est pourquoi Jean-Paul II a appuyé, avec ses prédécesseurs, sa critique au type de capitalisme dans lequel « la liberté dans le domaine économique n’est pas encadrée par un système juridique solide qui la met au service de la liberté humaine dans son ensemble et la considère comme un aspect particulier de cette liberté dont l’essence est éthique et religieuse » (lettre encyclique Centesimus Annus, CA). Néanmoins, il a approuvé un système capitaliste « qui reconnaît le rôle fondamental et positif de l’entreprise, le marché, la propriété privée et la responsabilité qui en résulte pour les moyens de production, ainsi que la libre créativité humaine dans le secteur économique … même s’il serait peut-être plus approprié de parler d’une « économie d’entreprise », « économie de marché » ou simplement « économie libre » (CA, 42 )
Hernando de Soto et son équipe de chercheurs, et l’Institut pour la liberté et la démocratie, ont montré comment la sur-réglementation dans une économie augmente les coûts d’entrée sur le marché pour les pauvres, ce qui finit par les exclure de ces opportunités. En plus de ce processus, et d’expliquer pourquoi tant de pauvres ne peuvent pas améliorer leur sort, j’ai soutenu que nous devons nous pencher sur la répartition inégale de la liberté économique. La répartition inégale de la liberté économique conduit à un système où les riches deviennent plus riches, car ils sont les seuls qui peuvent supporter les coûts du formel, ou ceux qui ont une meilleure chance d’acheter à des producteurs, autres que l’État, des services tels que l’éducation et la sécurité, produits de manière inefficace par les fonctionnaires et les administrations publiques. Quant au pauvre, il continue de souffrir d’un accès limité au formel et de services de médiocre qualité.
La proposition selon laquelle les inégalités injustes existent toujours, signifiant que les riches s’enrichissent et les pauvres s’appauvrissent, peut encore être trompeuse et dangereuse. Quand ils parlent des inégalités, Gini et Prebisch dans le passé, Krugmann et Stiglitz dans le présent, ils utilisent la « macroéconomie ». De par sa nature, la macroéconomie est expliquée en termes d’agrégats, de groupes et de moyennes. La personne humaine est perdue dans ces agrégats et ces catégories. Le Pape et ses conseillers doivent être conscients de cette situation et devraient se concentrer davantage sur la mobilité vers le haut, les opportunités, la responsabilité personnelle et les relations familiales. Ces facteurs, plutôt que la redistribution, constituent la clé du développement personnel et social complets.
Alejandro Chafuen est président de la fondation ATLAS pour la recherche économique. Article initialement publié en anglais par le magazine Forbes.
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