Hier soir, France 3 a diffusé un excellent documentaire, La France en face, le scandale du logement, qui fait honneur au service public.
Ensuite, Apparu et Lienemann ont ridiculement polémiqué alors que le documentaire venait de souligner la continuité de la politique du logement depuis une dizaine d'années, malgré l'alternance. Et combien la loi Duflot avec sa niche fiscale ressemble à la précédente... [1]
Ce documentaire, disponible en streaming, est l'exemple même de ce que devrait être le service public de la télévision. Hélas, c'est l'exception. Hormis Arte, les programmes du service public ne se distinguent guère des télévisions commerciales.
Leurs JT sont interchangeables et affligeants à base de faits divers, de marronniers, de micros-trottoirs, d'envoyés spéciaux qui élucubrent des hypothèses faute d'informations tangibles, de météo, voire de people et d'experts à la solde du MEDEF. Les rares émissions politiques invitent toujours les mêmes "éditocrates" : les journalistes de L'Humanité, Politis ou Fakir sont systématiquement absents. Enfin, les émissions de divertissement ne parient pas sur l'intelligence des téléspectateurs : des jeux avec de l'argent ou des biens de consommation à gagner pour appâter le populo, du people à haute dose pour faire rêver dans les chaumières, de la flagornerie pour vendre les chefs d’œuvre des invités, de la télé réalité ou des documentaires scénarisés sur des faits divers particulièrement morbides pour jouer sur l'émotion ou le voyeurisme...
Aussi, suis-je atterré par la déprogrammation - joli mot, non ? - de Ce soir ou jamais, une émission que je regardais rarement en raison de sa programmation trop tardive. J'appréciais le ton et la diversité des sujets traités, les artistes peu connus mis en lumière, ainsi que les invités de tous bords, en dépit de certains que je considère comme des ennemis mortels comme Sorel ou Nabe.
A priori, Taddeï n'a jamais laissé un invité proférer des propos haineux ou racistes. En invitant des personnes peu connues du grand public, voire sulfureuses, les téléspectateurs assistaient à de vrais débats contradictoires, à mille lieux des comédies entre éditocrates ou intellectuels de marché qui sont d'accords sur l'essentiel.
Parier sur l'intelligence du public en permettant l'expression de toutes les opinions, tout en veillant à ne pas diffuser des propos haineux, dénote dans un paysage médiatique où le conformisme de l'idéologie dominante règne. Où les médias dominants enfument et répètent inlassablement qu'il n'y a qu'une seule politique possible, en l'occurrence celle du patronat mise en œuvre par le PS ou l'UMP...
Ce soir ou jamais risque de subir le même sort que Droit de réponse ou Arrêt sur Images à leur époque, ce qui n'honore ni France Télévisions, ni le pouvoir politique actuel :
« Depuis la vieille ORTF gaulliste, la duplicité est une seconde nature des dirigeants (et des réalisateurs) de l'audiovisuel public. Du fait du mode de nomination de ses dirigeants, la pression du pouvoir y est permanente. N'étant pas assumée (la télé et la radio sont libres, voyons !) elle s'exprime par la ruse. L'histoire de la télé regorge de placards dorés, de promotions-sanctions, de compliments assassins suivis de discrètes mises à l'écart. Seule chose certaine dans l'océan des suspicions : une programmation de Taddei à 23 heures 30 aurait pour résultat, au moins dans l'immédiat, de rendre moins visible la seule émission de France Télévisions qui invite les bannis de tous les autres plateaux des Pujadas, Calvi, et autres Lapix. »[2]
Décidément, la télévision est un média trop populaire pour être totalement indépendant des politiques au pouvoir et de l'oligarchie...
Notes
[1] Duflot le grand flop
[2] Arrêt sur Images : Taddei bientôt "déménagé" à France 2 ?